Parapharmacie

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion : indications, mécanisme d’action

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) sont une famille de médicaments antihypertenseurs très répandue et largement utilisée. De nombreuses études ont permis de confirmer leur efficacité dans le traitement des affections telles que l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque chronique (ICC). Ils peuvent être employés pour traiter les troubles rénaux et le diabète.

Les IEC sont disponibles sous plusieurs formes dans les pharmacies ou officines, sur ordonnance ou en vente libre. Dans le but d’en faire bon usage pour une meilleure efficacité, il serait utile de mieux comprendre leur mode d’action, leurs indications, contre-indications et effets secondaires.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : généralités

Les IEC sont des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, connue sous l’acronyme ACE qui signifie « Angiotensin Converting Enzyme ». Ils constituent une classe de médicaments qui agissent sur le système rénine-angiotensine, un élément extrêmement important de la régulation hémodynamique, ainsi que celle des fluides et des électrolytes. L’activité de cette enzyme a été découverte il y a plusieurs années, dans des tissus tels que la paroi artérielle, l’utérus et les glandes salivaires.

Par ailleurs, les inhibiteurs de l’ACE ont été définis pour la première fois en 1956 par Leonard T. Skeggs. Ce dernier fournit une explication de la fonction de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA ou ACE). Quatorze années après, le pharmacologue Sergio H. Ferreira a découvert que le venin du serpent Bothrops jararaca provoquait une inhibition in vitro de cette protéine. Ceci en combinaison avec le pentapeptide contenu dans ce venin, l’un des composants actifs isolés. De nombreuses recherches ont ensuite permis de connaitre la structure chimique des IEC.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : indications

Les professionnels de santé recommandent l’utilisation des IEC dans le traitement et la prévention de plusieurs affections. On peut notamment citer :

  • Les troubles cardiaques : insuffisance cardiaque chronique, dysfonction systolique du ventricule gauche, les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
  • L’hypertension artérielle.
  • L’insuffisance rénale chez les patients atteints du diabète sous toutes ses formes.

De même, on peut employer les inhibiteurs de l’ACE pour d’autres pathologies rénales chez les personnes qui ne souffrent pas du diabète. On distingue la protéinurie caractérisée par l’excès de protéines dans l’urine et le syndrome néphrotique qui provoque des lésions rénales.

La glomérulonéphrite post-transplantation et la maladie glomérulaire sont aussi des maladies traitées avec ces inhibiteurs. La première est une inflammation des organes principaux de l’appareil urinaire (reins) associée à un manque de filtration. La seconde n’est rien d’autre qu’un ensemble de troubles du système de filtration des reins.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : contre-indications

Les contre-indications des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine sont multiples. En effet, l’utilisation de ces derniers n’est pas recommandée si les patients sont atteints d’une maladie rénale ou artérielle grave. On peut notamment mentionner la sténose de l’artère qui irrigue le rein.

En outre, en cas d’antécédents d’œdème de Quincke qu’il soit sans cause connue ou inconnue, on recommande de ne pas prendre des IEC. Il en est de même lorsqu’on est sensible à ces médicaments ou à l’un des excipients qu’ils contiennent.

Par ailleurs, il se pourrait que les inhibiteurs de l’ECA provoquent de malformations congénitales ou même une mortinatalité lorsque les femmes les prennent pendant la grossesse. En particulier, il faudra l’éviter pendant les deuxièmes et troisièmes trimestres de la gestation.

En plus, certains de ces médicaments sont incompatibles avec l’allaitement. Leur utilisation doit être cependant recommandée par un médecin après une évaluation complète de l’état de santé de la femme allaitante.

Les autorités de la santé recommandent donc à tout patient de poser des questions à son fournisseur de soins. Celles-ci doivent être relatives aux différentes contre-indications des inhibiteurs et les précautions à prendre. Il vaut toujours mieux s’informer afin d’éradiquer les fausses idées reçues qui peuvent mettre en péril la santé.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : mécanisme d’action

Les inhibiteurs de l’ECA, comme on peut facilement le deviner, sont des principes actifs capables d’inhiber l’activité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Ils peuvent tout aussi empêcher la transformation de l’angiotensine I en angiotensine II et d’exercer ainsi une action antihypertensive.

Cependant, l’enzyme ACE ne se contente pas de convertir l’angiotensine I en angiotensine II, mais joue également une action dégradante importante contre la bradykinine. C’est un polypeptide qui stimule la production de prostaglandines et exerce un puissant effet vasodilatateur, complémentaire de l’effet antihypertenseur. Ces deux effets ont pour finalité la réduction de la pression artérielle.

Par conséquent, les inhibiteurs de l’ECA sont également capables d’induire une augmentation de l’activité de la bradykinine. À son tour, cette dernière peut exercer un plus grand effet hypotenseur. Cependant, il convient de noter que le renforcement de l’action de la bradykinine est une arme à double tranchant.

En réalité, d’une part elle contribue à l’effet hypotenseur dérivant du blocage de la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II. Néanmoins, d’autre part elle peut favoriser certains effets secondaires.

Enfin, il est bon de rappeler ceci. À l’exception du captopril, l’ancêtre des inhibiteurs de l’ECA et dont la durée d’action est plutôt courte, tous les autres sont formulés comme des promédicaments. Cela signifie qu’avant de pouvoir exercer leur activité, ils doivent dûment être convertis en leur forme active par des enzymes hépatiques adéquates.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : effets bénéfiques

Les IEC ont de nombreux effets sur l’organisme. En voici quelques-uns.

Effets sur les reins

Les inhibiteurs de l’ACE peuvent limiter la vasoconstriction et améliorer la perfusion. Dans ce cas, les effets directs de l’angiotensine II sur les artères et les artérioles rénales sont bloqués. On assiste également au blocage de l’amplification de l’effet vasoconstricteur des catécholamines et à la réduction des taux de noradrénaline et de leur activation.

Aussi, la dégradation des kinines (médiateurs impliqués dans le contrôle cardiovasculaire) et de certains inhibiteurs de l’ECA augmente la formation de prostaglandines vasodilatatrices.

Par ailleurs, on remarque que la pression de perfusion glomérulaire est contrôlée par divers mécanismes d’autorégulation. Ceux-ci maintiennent la fonction rénale, mais lorsque la pression artérielle tombe en dessous de 80 mmHg, l’autorégulation est plus difficile.

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) peut également diminuer. L’angiotensine II est la principale hormone régulatrice, essentielle au maintien de la pression de perfusion glomérulaire. De ce fait, elle agit sur l’artériole efférente et préserve ainsi la fonction rénale.

Sur la membrane basale glomérulaire, les effets antiprotéinuriques des inhibiteurs ont été attribués à des modifications de la perméabilité glomérulaire aux protéines. De plus, les IEC stimulent la réabsorption du sodium dans les tubules proximaux et diminuent la natriurèse. Ils produisent ainsi une plus grande vasoconstriction dans la moelle que dans le cortex, ce qui préserve l’hypertonie médullaire.

Effets antihypertenseurs

L’action antihypertensive s’exerce d’abord par une vasodilatation médiée par la bradykinine, qui détend le muscle lisse artériolaire. Environ 15 jours plus tard, le mécanisme vasodilatateur et antiadrénergique provoqué par l’inhibition de l’ECA commence à agir.

Trois à six mois après, l’action antitrophique se manifeste, inversant progressivement la croissance concentrique de la média. Lorsque cela se produit, la résistance vasculaire périphérique est réduite, ce qui à son tour prévient la sclérose vasculaire rénale et coronarienne.

Par ailleurs, l’effet antiadrénergique ou stimulation du nerf vague empêche l’augmentation du rythme cardiaque, en stimulant les barorécepteurs, lorsque la tension artérielle chute. Cela permet d’inhiber également le peptide vasoactif endothéline.

Effets sur l’insuffisance cardiaque (IC)

Dans l’IC, les taux de rénine circulante qui provient du rein sont élevés. Ceci est dû à une augmentation de l’activité afférente sympathique qui atteint le rein. Cela est aussi favorisé par une diminution de la pression de perfusion artérielle.

Les inhibiteurs de l’ECA réduisent en outre les taux d’angiotensine II, qui augmentent et préviennent ainsi leurs effets. De plus, l’action vasodilatatrice périphérique de la bradykinine contribue à réduire la postcharge et à améliorer la vidange ventriculaire.

À long terme, l’effet antitrophique empêche le remodelage et réduit le risque de mortalité par insuffisance cardiaque, arythmies et ischémie myocardique.

Effets anti-athérosclérotiques probables

Les inhibiteurs peuvent être efficaces pour prévenir et même traiter l’athérosclérose. En effet, ils préviennent la prolifération qui se produit en réponse à une lésion endothéliale vasculaire.

Aussi, ils diminuent la formation de plaques d’athérosclérose dans l’aorte descendante chez les lapins atteints d’athérosclérose génétique expérimentale.

Effets dans le diabète de type 1

En cas de diabète, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion préviennent et ralentissent la néphropathie. Ils réduisent l’accélération de la rétinopathie diabétique.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : classification

Les inhibiteurs de l’ECA sont divisés selon la structure chimique contenant un groupe :

  • Sulfhydryles: captopril, zénofénopril, alcépril, pivalopril,
  • Phosphiniques : fosinopril,
  • Carboxyliques : énalapril, lisinopril, quinapril, ramipril.

Il convient de préciser que les mécanismes de chacun de ces inhibiteurs peuvent varier en fonction de leur structure chimique. C’est la raison pour laquelle ils ont des actions cliniques différentes et ne sont pas interchangeables.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : mode d’administration et posologie

Les inhibiteurs de l’ECA sont disponibles sur ordonnance ou en vente libre. Ils se présentent généralement sous forme de comprimés, pris une fois par jour selon les directives du médecin.

De nombreuses personnes atteintes d’hypertension artérielle ou de problèmes cardiaques doivent prendre plus d’un comprimé. Toutefois, il revient au médecin de recommander la prise d’inhibiteur de l’ECA en association avec d’autres médicaments et antihypertenseurs tels que des diurétiques.

En ce qui concerne ce qu’il ne faut pas manger ou boire, il est recommandé de suivre les conseils de du professionnel. Néanmoins, il faudra éviter les aliments riches en sel et en potassium, la capsaïcine, un composé qui permet de donner la saveur épicée.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : interactions avec d’autres médicaments

Les inhibiteurs de l’ECA peuvent établir une série d’interactions médicamenteuses avec différents ingrédients actifs. Parmi ceux-ci figurent :

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),
  • Les médicaments qui affectent les reins,
  • Les médicaments affectant le taux de sodium ou de potassium,
  • Les antiacides,
  • Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Les AINS sont des médicaments indiqués dans le soulagement de la douleur et de l’inflammation. Ils sont susceptibles de provoquer des interactions avec les IEC en les rendant moins efficaces. Les AINS les plus courants sont l’aspirine, la naproxène sodique et l’ibuprofène.

Les médicaments qui affectent les reins

Un exemple est l’Aliskiren, un inhibiteur de la rénine qui joue un également un rôle essentiel dans le contrôle de la pression artérielle. Il peut donc agir sur le mécanisme d’action initial des IEC.

Les médicaments affectant le taux de sodium ou de potassium

Les inhibiteurs de l’ECA peuvent affecter la capacité de l’organisme à retenir le potassium et le sodium. D’autres médicaments pris en concomitance avec ces IEC peuvent induire des taux élevés de ces éléments.

De même, il faudra éviter les préparations contenant du potassium et des diurétiques épargneurs de potassium. En fait, il existe un risque accru d’hyperkaliémie suite à un traitement concomitant avec des inhibiteurs de l’ECA.

Les antiacides

Ce sont des médicaments qui peuvent réduire la biodisponibilité des inhibiteurs de l’ECA en cas d’utilisation concomitante.

Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine

Pendant que les inhibiteurs de l’ACE arrêtent la conversion de l’angiotensine en une forme utilisable, les antagonistes des récepteurs de cette substance empêchent le corps d’en utiliser la majeure partie. En concomitance, ils peuvent affecter la fonction rénale, accroitre le risque d’hyperkaliémie et réduire la tension artérielle.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion : effets secondaires

Le type d’effets indésirables et l’intensité avec laquelle ils surviennent dépendent deux facteurs. Le premier est le principe actif d’inhibiteur de l’enzyme de conversion à utiliser et le second est la sensibilité de chaque patient à celui-ci.

Cependant, il existe certains effets indésirables qui sont communs à toute la classe des inhibiteurs de l’ECA. On peut entre autres citer :

  • Les réactions allergiques : parfois sévères, elles peuvent se manifester sous forme d’œdème de Quincke et d’éruption cutanée,
  • L’hypotension,
  • L’hyperkaliémie,
  • Les changements dans le goût,
  • Les éruptions cutanées,
  • Les maux de tête,
  • Les vertiges,
  • Les nausées, diarrhées et vomissements,
  • La fatigue,
  • La protéinurie,
  • La neutropénie,
  • L’insuffisance rénale aiguë.

Enfin, les inhibiteurs de l’ECA peuvent également provoquer l’apparition d’une toux sèche. Ce type d’effet secondaire n’est pas considéré comme primordial pendant le traitement par ces médicaments.

Cependant, cela semble être dû précisément à l’augmentation de l’activité de la bradykinine. Cela provoque une augmentation de la synthèse des prostaglandines, induite par les inhibiteurs de l’ECA.

 

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