Santé

TORTICOLIS FEBRILE DE L’ENFANT & SYNDROME DE GRISEL

Le syndrome de Grisel est un syndrome rare, caractérisé par une subluxation rotatoire non traumatique de l’articulation atlanto-axiale. Elle affecte généralement les enfants et se présente sous la forme d’un torticolis après une chirurgie des oreilles, du nez et de la gorge (ORL). Le syndrome de Grisel en est une cause rare mais s’avère dangereuse de torticolis (col tordu).

En effet, les muscles du cou se contractent, provoquant une torsion de la tête d’un côté. Ceci implique une luxation partielle (subluxation) de l’articulation atlanto-axiale (vertèbres C1-C2) d’origine inflammatoire. La reconnaissance du syndrome de Grisel est basée sur des investigations cliniques et neuroradiologiques, suivies d’un diagnostic précoce. Pour mieux comprendre cette maladie dans sa globalité, voici quelques informations.

Symptômes du syndrome de Grisel

Ils sont généralement associés soit à une infection des voies respiratoires supérieures (pharyngite, otite et mastoïdite) ou des régions de la tête et du cou (lymphadénite et abcès rétropharyngé). Le cas des interventions chirurgicales ORL (amygdalectomie, adénoïdectomie, mastoïdectomie) n’est pas aussi exclu. La forte prédominance des cas chez l’enfant est probablement liée à la conjonction de divers éléments.

Il est à noter que le temps observé entre le facteur déclencheur et la survenue des symptômes dans le cas du syndrome de Grisel, varie d’une personne à une autre. De plus, les analyses de laboratoire peuvent s’avérer normales, bien qu’il y ait la présence de la maladie. Il faut comprendre donc que le diagnostic du syndrome est complexe. Toutefois, la présentation se compose généralement de :

  • Torticolis ;
  • Mobilité réduite du cou ;
  • Cervicalgie (douleur au cou) ;
  • Symptômes liés à une infection sous-jacente.

A l’examen physique, trois signes définissent le diagnostic clinique de subluxation rotatoire atlanto-axiale :

  • Déviation palpable de l’apophyse épineuse de l’axe dans le même sens de rotation de la tête ;
  • Spasme du muscle sternocléidomastoïdien ipsilatéral à la rotation ;
  • Incapacité à tourner la tête au-delà de la ligne médiane en direction du côté opposé à la lésion.

La douleur nucale augmente lorsqu’une tentative est faite pour effectuer une rotation active du cou controlatéral. Ainsi, le patient garde la tête immobile, en rotation et flexion subtiles, le menton dans une position opposée à celle du côté atteint. Cette dernière caractérise la posture pathologique dite « posture du coq », terme forgé en référence à la posture d’un rouge-gorge avec la tête en rotation. Cependant, l’absence de spasme du muscle sternocléidomastoïdien controlatéral à la rotation pourrait alerter. En effet, cette posture peut ne pas correspondre à un torticolis provoqué par un spasme musculaire. Ainsi, les complications neurologiques peuvent aller de la radiculopathie au décès par compression médullaire.

Les causes du syndrome de Grisel

Le syndrome de Grisel peut résulter de tout processus inflammatoire de la tête et du cou. Les infections des voies respiratoires supérieures sont la cause la plus fréquente du syndrome de Grisel. Cependant, tout processus inflammatoire de la tête et du cou, y compris l’inflammation post-chirurgicale (par exemple, l’adéno-amygdalectomie), peut entraîner le syndrome de Grisel. Les causes les plus fréquentes de cette maladie sont :

  • Infections des voies respiratoires supérieures ;
  • Amygdalectomie/adéno-amygdalectomie ;
  • Otite moyenne ;
  • Autres infections/chirurgie de l’oreille, du nez et de la gorge (ORL).

Les organismes responsables sont généralement :

  • Staphylococcus aureus ;
  • Streptocoque du groupe B (Streptococcus pyogenes) ;
  • Flore buccale ;
  • Virus d’Epstein-Barr ;
  • Maladie de Kawasaki ;
  • Mycoplasma pneumoniae.

Les principales causes du syndrome de Grisel sont l’infection (48 %) et la post-adéno-amygdalectomie (31 %). Les causes moins courantes comprennent d’autres cas postopératoires tels que la pharyngoplastie et les opérations de l’oreille. Les facteurs prédisposants sont les traumatismes, l’hyperlaxité des ligaments transverses et alaires des articulations atlanto-axoïdiennes.

Diagnostic du syndrome de Grisel

Les radiographies standard sont d’une valeur limitée pour établir un diagnostic. Pour comprendre le syndrome Grisel, il est nécessaire de se baser sur le contexte étiologique de cette maladie. La meilleure investigation est la tomodensitométrie tridimensionnelle (TDM) de la transition craniocervicale, qui démontre un placement latéral anormal de C1 sur C2 et des facettes occipitales sur C1.

Le scanner doit être réalisé avec la tête en position neutre, pour éviter les erreurs de diagnostic. La reconstruction tridimensionnelle du CT permet une visualisation claire de la rotation C1–C2, y compris la perte de congruence des facettes articulaires. Les imageries axiales permettent la mesure de l’intervalle atlanto-dentaire (ADI). Celle-ci indique la distance horizontale entre l’arc antérieur de l’atlas et les tanières de l’axe, utilisée dans le diagnostic des lésions. La mesure normale est de 2 à 3 mm chez l’adulte et jusqu’à 5 mm chez l’enfant.

Une augmentation de cette distance est une conséquence indirecte de la lésion du ligament transverse, qui est liée à une plus grande instabilité de la lésion. Par conséquent, cette situation va nécessiter un éventuel traitement chirurgical. L’IRM peut être utile et efficace pour évaluer les changements d’ordre inflammatoire dans les tissus mous et environnants. Les constatations diagnostiques du syndrome de Grisel sont les suivantes :

  • Antécédents d’infections des voies respiratoires supérieures et/ou de chirurgies de la tête et du cou ;
  • Plainte de torticolis quelques jours après le début de l’infection/chirurgie ;
  • Rotation anormale et légère flexion de la tête, avec le menton tourné vers le côté controlatéral ;
  • Douleur avec rotation active ou passive de la tête ;
  • Élévation de la protéine C réactive et des leucocytes pendant les premiers jours du torticolis, avec normalisation ultérieure de ces paramètres, généralement sans fièvre ;
  • La radiographie antéropostérieure peut montrer un élargissement de la masse latérale C1 qui est luxée vers l’avant (rotation controlatérale au cou) ;
  • La radiographie latérale de la colonne cervicale peut montrer un intervalle atlanto-dentaire supérieur à 5 mm dans les cas graves ;
  • Tomodensitométrie (TDM) montrant une subluxation rotatoire de C1–C2.

Le torticolis peut survenir spontanément après une pharyngite et un traumatisme cervical mineur. Le diagnostic différentiel du torticolis nécessite une anamnèse complète, un examen clinique et radiologique. L’histoire de la maladie est importante pour les antécédents médicaux, les facteurs prédisposants et la récidive.

Il faut garder à l’esprit que la douleur au cou, les mouvements limités du cou, la position du coq et le torticolis, peuvent être des signes précoces du syndrome de Grisel après une adénoïdectomie et/ou une amygdalectomie. La situation attendue après la chirurgie doit être considérée comme une opinion générale.

Le syndrome de Grisel peut affecter fréquemment les patients avec laxité ligamentaire congénitale, comme Down Syndrome et le syndrome de Marfan. Bien que plusieurs théories aient été discutées pour expliquer la pathogenèse du Grisel syndrome, la maladie accepte largement la théorie. Celle-ci s’accorde avec une propagation hématogène des infections à partir du pharynx postérieur aux articulations cervicales supérieures et une hyperémie. A cela s’ajoute le relâchement anormal du ligament transverse.

Rapport de cas

Une fillette de 4 ans sans antécédent médical significatif a été référée au service des urgences après une visite ambulatoire chez son pédiatre principal. Le patient avait des maux de gorge et des fièvres subjectives depuis une semaine. Ensuite, elle a développé un torticolis douloureux en l’absence de tout traumatisme.

Un test rapide de streptocoque au bureau de son pédiatre était positif; compte tenu de ce résultat de test. En conjonction avec le torticolis douloureux du patient, le pédiatre lui a recommandé de se rendre aux urgences. Le patient avait une température de 103,0 F et une leucocytose de 26 700 K/UL avec un déplacement vers la gauche des neutrophiles.

À l’examen, le patient avait un torticolis du côté gauche qui était douloureux à toute tentative de mouvement du cou. Il y avait une amplitude de mouvement limitée du cou secondaire à la douleur. Elle était neurologiquement intacte, sans déficits bruts des nerfs crâniens et pleine force et sensation dans les extrémités. Aucune masse ou fluctuation n’a été notée à la palpation autour du cou.

Initialement, une radiographie du cou a été réalisée au service des urgences qui a démontré une plénitude asymétrique des tissus mous. Elle a aussi montré une opacification accrue dans la partie supérieure droite et la partie médiane du cou. Une tomodensitométrie (TDM) avec injection de contraste des tissus mous du cou a été recommandée, qui a retrouvé un abcès rétropharyngé droit mesurant 1,5 cm.

Il était médial par rapport à l’espace carotidien avec un œdème environnant et un suivi liquidien vers le bas dans les tissus mous prévertébraux. Il y avait un déplacement latéral associé des artères carotides internes cervicales droites et des veines jugulaires avec une sténose régionale. De plus, cette radiographie a montré aussi une subluxation atlantoaxiale, plus évidente à gauche. Une imagerie de rendu de surface tridimensionnelle a bien montré le torticolis aigu.

Le patient a été admis par le service des urgences et évalué par le service d’oto-rhino-laryngologie. Compte tenu de la localisation et de la taille de l’abcès cervical, une prise en charge médicale conservatrice par antibiotiques intraveineux fut instaurée. De plus, le patient a reçu de la dexaméthasone pour le gonflement local et a été surveillé en tant que patient hospitalisé. Elle s’est améliorée cliniquement avec un parcours hospitalier et une sortie sans complications.

Discussion du cas

La subluxation de l’articulation C1-C2 a été décrite en association avec diverses maladies, notamment diverses infections, abcès cervical et amygdaliens. De plus, des résultats indésirables de la chirurgie d’adéno –amygdalectomie ont été enregistrés. La cause sous-jacente de l’instabilité atlanto-axiale observée dans le syndrome de Grisel est due à une laxité accrue et aiguë des ligaments articulaires. Les populations de patients qui ont tendance à avoir une laxité articulaire accrue, sont plus susceptibles de contracter le syndrome de Grisel. De plus, une contracture inflammatoire des muscles pré vertébraux est toujours a prêté une grande attention particulière.

La plupart des patients présentent un torticolis douloureux, une raideur et des douleurs cervicales, une forte fièvre et des signes d’infection non spécifiques. Le trismus peut être observé lors d’une tentative d’élocution, probablement secondaire à une inflammation de l’articulation temporo-mandibulaire. La subluxation atlanto-axiale se caractérise physiquement par trois signes cliniques qui peuvent la différencier du torticolis musculaire.

Le premier consiste en la déviation palpable de l’apophyse épineuse de l’axe dans le sens homolatéral de rotation de la tête. Deuxièmement, le muscle sternocléidomastoïdien ipsilatéral à la direction de rotation de la tête peut présenter un spasme aigu pour tenter de réduire la déformation. Le troisième signe clinique est l’impossibilité de tourner la tête au-delà de la ligne médiane dans le sens controlatéral de la lésion.

Cependant, le diagnostic du syndrome de Grisel est posé sur la base d’une subluxation atlanto-axiale et d’une infection/inflammation cervicale concomitantes. Bien que le syndrome de Grisel puisse être suspecté cliniquement, il est massivement diagnostiqué par imagerie. Les abcès pharyngés sont une pathogénie peu fréquente du syndrome de Grisel, survenant dans environ 5 % des cas.

Comment traiter le syndrome de Grisel ?

Le traitement du syndrome de Grisel est controversé. La consultation neurochirurgicale est primordiale dans tous les cas. Dans la majorité des cas, une prise en charge conservatrice sous forme d’alitement, d’antibiotiques, d’analgésiques, a été efficace. Dans quelques cas seule la chirurgie sous forme d’arthrodèse C1-C2 (immobilisation chirurgicale d’une articulation par fusion des os) est indiquée.

En effet, celle-ci est optée en cas d’échec de la prise en charge médicale ou d’apparition de signes neurologiques. La morbidité était importante dans les cas où le diagnostic était tardif, avec comme conséquence la plus dévastatrice, un déficit neurologique permanent dans un cas.

Au début, la posture cervicale empêche généralement l’utilisation d’un collier cervical rigide. Par conséquent, certains médecins recommandent l’utilisation d’un collier cervical souple moulé à la hauteur du cou à ce moment-là. Comme une plus grande relaxation des muscles cervicaux se produit, les auteurs recommandent d’augmenter la hauteur du collier jusqu’à ce que la réduction de la lésion se produise. Ensuite, le collier souple est remplacé par un collier rigide. Le délai d’attente pour la survenue d’une réduction spontanée n’a pas été établi.

Cependant, la plupart des cas disparaissent généralement spontanément jusqu’à 7 jours après le début du traitement. Une fois que la blessure est réduite et que le processus inflammatoire est complètement résolu, la stabilité est retrouvée. Bien qu’il n’y ait pas de consensus, les auteurs recommandent l’utilisation d’un collier rigide pendant au moins 2 semaines pour traiter les cervicalgies, la contracture des muscles du cou et prévenir les récidives précoces.

Dans les premiers stades, un traitement médical avec des antibiotiques est suffisant. En cas de présentation tardive, un traitement chirurgical invasif peut être nécessaire pour prévenir la morbidité. Par conséquent, la reconnaissance précoce de cette maladie rare est essentielle pour prévenir les complications à long terme avec un éventuel déficit neurologique.

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