Parapharmacie

Les statines : Efficacité et efficience des hypolipémiants

Si les graisses sont indispensables pour le bon fonctionnement de l’organisme, en avoir une forte quantité dans le sang constitue une source de danger. En effet, lorsqu’ils possèdent une concentration élevée, les lipides s’accumulent dans la paroi des artères, obstruant ainsi celles-ci. Ce qui provoque maladies cardiovasculaires, AVC et angine de poitrine. Il est toutefois possible de faire baisser le taux de cholestérol grâce aux hypolipémiants. Dans cette famille thérapeutique, les statines sont les médicaments les plus prescrits. Ce traitement mérite-t-il vraiment d’être recommandé ? Voici ce qu’il en est de l’efficience et de l’efficacité des statines.

Efficacité et efficience des statines : Une analyse centrée effectuée par la Haute Autorité de la Santé (HAS)

Les autorités médicales françaises ont dans le cadre de la prise en charge de l’hypercholestérolémie placé les statines au rang de traitement médicamenteux à choisir en première intention. Elles précisent que ces hypolipémiants peuvent être aussi utilisés en prévention primaire comme secondaire des événements cardiovasculaires.

Pour un emploi adapté du produit en fonction du profil du patient et dans l’optique de sélectionner le bon régime de statines, des recommandations ont été élaborées depuis 2005. Celles-ci tournent autour de quatre éléments que sont :

  • La prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle ;
  • La prise en charge des indications médicamenteuses, de revascularisation et de rééducation (AOMI) ;
  • Le traitement médicamenteux du diabète de type 2 ;
  • L’accident ischémique transitoire ou l’infarctus cérébral.

Avec la forte croissance de vente qu’ont connu les statines ces récentes années, la communauté médicale française a décidé de plus s’intéresser à la prescription de ces molécules. Suite à plusieurs études, il s’est avéré qu’il existe un déphasage entre ce qui se fait en pratique et les recommandations préalablement proposées.

En raison d’une telle situation, le ministère de la santé a décidé de mieux éclairer les professionnels dans leur décision de prescription des statines dans les différents contextes où elles interviennent. Pour cela, l’institution a demandé à la Haute Autorité de la Santé (HAS) d’effectuer une évaluation sur les statines.

Démarche de l’évaluation

Le rapport de l’évaluation est disponible depuis 2008. L’étude elle-même porte sur trois éléments à savoir :

  • L’efficacité ;
  • La tolérance ;
  • L’efficience.

Seuls les premier et dernier objets d’évaluation intéressent dans le présent article. En ce qui concerne donc l’efficience, elle prend en compte la réduction attendue du LDL-c qui constitue le critère secondaire. Ses critères primaires portent sur :

  • L’année de vie gagnée ajustée sur la qualité ;
  • L’événement évité ;
  • L’année de vie gagnée.

Quant à l’efficacité, son critère secondaire se rapporte à la réduction du risque d’événements cardiovasculaires. Pour le critère principal, il s’agit de la réduction de la mortalité toutes causes.

Les statines : Efficacité de ces hypolipémiants selon les résultats du rapport de la HAS

Pour évaluer l’efficacité des statines, la Haute Autorité de la Santé a extrait les résultats d’analyses de 91 différents essais ayant porté sur 170 257 patients. Il est nécessaire de préciser que ces données ne sont pas issues d’études de comparaisons directes des statines entre elles. La plupart d’entre elles proviennent de comparaisons effectuées avec un placebo.

Outre cela, il faut ajouter que la méta-analyse a certes porté sur les statines, mais elle n’a pris en compte que les molécules de cette classe d’hypolipémiants commercialisées en France. C’est le cas de :

  • La simvastatine ;
  • La pravastatine ;
  • L’atorvastatine ;
  • La rosuvastatine ;
  • La fluvastatine.

Toutefois, il faut retenir que la dernière molécule de cette liste a été moins documentée. En revanche, la deuxième statine de cette même liste a été très étudiée.

Les résultats d’évaluation de l’efficacité des statines

Un total de 12 757 décès a été enregistré de manière globale sur les 170 257 individus évalués. Le nombre de morts varie selon que ce soit le critère principal ou secondaire d’efficacité qui a été pris en compte. Il faut ajouter que les résultats possèdent un indice de confiance de 95 % et sont présentés en risque relatif (car ils sont pour la plupart hétérogènes).

Sur la base du critère principal : La réduction de mortalité toutes causes des statines

Pour l’ensemble des essais, il existe une hétérogénéité de l’ordre de 0,099 entre les statines. Sur cette base, le risque relatif moyen qui a été évalué est de 0,901. Il faut comprendre que cette hétérogénéité existe parce que l’un (GISSI HF) des essais a considéré les insuffisants cardiaques qui constituent une catégorie particulière de patients.

De plus, la lovastatine a été prise en compte alors qu’il s’agit d’une statine non commercialisée en France. Lorsque ces deux facteurs sont alors exclus, on constate une homogénéité entre les statines en matière de mortalité toutes causes.

Une telle homogénéité sous-entend que sur la base de ce critère principal, il n’est pas possible d’effectuer une différenciation entre les statines. En ce qui concerne concrètement l’effet de réduction de morbidité toutes causes de ces hypolipémiants, il faut dire qu’il est positif.

En effet, les statines sont capables de réduire la mortalité toutes causes, et ce dans une proportion de 10 %. Cet ordre de réduction peut cependant varier selon le contexte et la nature des essais. Toutefois, une chose est certaine, cet avantage des statines dépend énormément du risque cardiovasculaire du sujet. Plus le danger est élevé, meilleur s’avère le bénéfice de ces molécules.

Sur la base du second critère : La réduction du risque d’événements cardiovasculaires des statines

Avant de faire part des résultats, il faut préciser que le critère secondaire d’évaluation de l’efficacité des statines prend non seulement en compte les évènements cardiovasculaires, mais aussi la mortalité associée à ces derniers. Dans les essais recensés, lesdits incidents cardiovasculaires considérés sont :

  • L’apparition d’une claudication internet ischémique ;
  • Les évènements fatals ou non, mais de type coronarien ;
  • Les amputations du membre inférieur pour ischémie chronique ou aiguë ;
  • Les accidents vasculaires périphériques (AOMI) ;
  • Les accidents cérébrovasculaires fatals ou non, mais de type hémorragique ou ischémique.

Ces divers événements ont été classés en quatre familles. Il y a les AVC, les évènements cardiovasculaires (ECV), la mortalité cardiovasculaire et les incidents de type coronaire.

Les résultats

Quand il s’agit d’événements cardiovasculaires, le traitement à base de statines garantit une réduction du risque. Celle-ci varie selon qu’il s’agisse de :

  • Événements coronaires ;
  • AVC ;
  • Événements cardiovasculaires ;
  • Mortalité cardiovasculaire.

Pour chacune de ces familles d’événements, le taux de réduction des statines est respectivement de 23, 19, 23 et 15 %. En allant plus loin, l’hétérogénéité de ces données a été évaluée. Pour chacun de ces groupes d’événements, elle est de 0,001 ; 0,007 ; 0,020 ; 0,014. Il faut préciser que pour les évènements coronaires, l’hétérogénéité se trouve en réalité en dessous de la valeur donnée.

Ce manque d’homogénéité provient du fait que sur la base des critères, la rosuvastatine propose des résultats variables. Il en est de même de l’atorvastatine. Outre cela, en comparaison à la rosuvastatine et la pravastatine, la simvastatine s’est démarquée par son efficacité.

Comme les données varient d’une statine à une autre, il faudra donc les interpréter avec prudence. Toutefois, il est possible de conclure que les statines minimisent le risque d’apparition d’incidents cardiovasculaires. En fonction de l’événement, cette réduction varie entre 15 et 23 %.

Les statines : Efficience des hypolipémiants selon l’évaluation de la HAS

Les statines

Dans le jargon médical, l’efficience désigne le rapport entre les résultats proposés par une solution thérapeutique donnée et l’investissement effectué dans cette dernière. Ici également, cet élément a été évalué sur la base de deux critères dont l’un est qualifié de primaire et l’autre de secondaire.

L’efficience des statines selon le critère primaire

En guise de rappel, le critère primaire de l’efficience des statines réunit :

  • L’année de vie gagnée ajustée sur la qualité ;
  • L’événement évité ;
  • L’année de vie gagnée.

Les données se rapportant à ces divers facteurs de composition de ce critère d’efficience ne sont pas identiques. Elles varient selon que les statines aient été employées en prévention primaire ou secondaire.

En prévention primaire

Les études identifiées et donc considérées à ce niveau sont au nombre de cinq et portent sur des individus à haut risque cardiovasculaire, notamment diabétiques ou hypertendus. Ces sujets ne sont cependant pas atteints d’une quelconque maladie cardiovasculaire.

Ainsi, chez les patients hypertendus (de plus de 55 ans et avec au moins 3 facteurs de risque), l’étude prise en compte est celle de Straka. D’après ses résultats, un traitement à base d’atorvastatine permet d’éviter sur une durée de 2 ans 109 événements cardiovasculaires.

Dans le rang des patients diabétiques, l’étude Straka a également été considérée, car elle comporte des patients souffrant d’un diabète de type 2. Ces derniers présentaient aussi un facteur de risque. De cette analyse, il ressort qu’une administration sur une durée de 2 ans de 10 mg d’atorvastatine permet de mettre le sujet à l’abri de près de 362 événements cardiovasculaires.

Toujours chez les diabétiques, l’étude Lafuma et al. révèle que cette même dose de molécule de statine permet de gagner une durée de vie de 3,9 ans. Mieux, pour chaque année de vie gagnée, il est possible de réaliser une économie de l’ordre de 1418 à 2506 euros.

En prévention secondaire

Ici, ce sont quatre études qui ont été considérées. Deux d’entre elles portent sur des sujets atteints du syndrome coronaire aigu ou d’une maladie coronaire. Il s’agit notamment de l’étude de Straka et de celle de Chan. Au niveau de la première analyse, le traitement (par atorvastatine) permet d’éviter sur une période de 4 mois un total de 92 événements cardiovasculaires.

En ce qui concerne la seconde analyse, c’est-à-dire celle de Chan, il ressort que comparativement à la simvastatine, l’atorvastatine réduit de 86 % le taux de mortalité. Ce qui équivaut à un gain de 0,309 année de vie. Il faut préciser que le dosage choisi à ce niveau est de 80 mg.

En ce qui concerne les deux autres études employées dans le cadre de cette prévention secondaire, elles se rapportent à l’analyse Taylor et celle de Lindgren. Ces essais ont porté sur des sujets atteints de maladies coronaires stables. Ainsi, dans le cadre de l’étude Taylor, c’est une comparaison qui a été faite entre deux traitements à base d’atorvastatine.

L’un exigeait un dosage de 10 mg et l’autre une dose de 80 mg. Administré à des patients se trouvant en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne, le traitement de 80 mg était meilleur. Il offrait un gain d’années de vie plus élevé, d’une moyenne de 8.

Au niveau de l’étude de Lindgren, il a été constaté que l’usage d’atorvastatine 80 mg accroît le risque de mortalité toutes causes confondues. Il est toutefois possible de gagner en années de vie, mais cela exige un coût allant de 15 800 à 40 000 euros et variable selon le pays.

L’efficience des statines selon le critère secondaire : La réduction attendue de LDL-c

Pour mesurer l’efficience des statines sur la base de la réduction attendue de LDL-c, il faut prendre en compte le ratio coût/efficacité biologique de ces hypolipémiants. En considérant en effet l’efficacité des statines, il a été constaté que ces molécules ne pouvaient pas être différenciées en termes de réduction de mortalité toutes causes.

Si les constituants de cette classe d’hypolipémiants sont identiques sur ce plan, il ne sera possible de faire un choix que sur la base de l’avantage pécuniaire, d’où la préférence du coût pour le ratio. En pratique, un choix de statine sera difficile, car les données d’évaluation n’aident pas dans ce sens.

Par ailleurs, en considérant la réduction d’événements cardiovasculaires, il s’avère que les statines ne sont pas identiques. Cette différence de force repose sur le fait qu’une molécule est plus efficace que l’autre ; raison pour laquelle l’efficacité a été choisie comme autre composante du ratio. Comme les données d’analyses françaises ne permettent pas de trancher en faveur ou en défaveur d’une statine spécifique, il faut tout simplement dire qu’un choix en termes de réduction attendue de LDL-c va dépendre du profil du patient.

Toutefois, il faut notifier que les résultats de plusieurs essais internationaux concluent que la rosuvastatine reste le meilleur choix de statine sur la base du ratio coût/efficacité biologique.

 

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