Grossesse

Allaitement maternel et médicaments : indications, précautions, risques

Pour un nourrisson, le lait maternel est reconnu comme la meilleure alimentation qui puisse lui convenir. Il favorise en effet sa croissance, renforce son immunité et le met à l’abri des diverses pathologies. De plus, aucun lait infantile ne peut l’égaler en termes de composition qualitative et quantitative. C’est en raison de tous ces bénéfices que l’enfant doit être uniquement nourri au lait maternel jusqu’à l’âge de 6 mois. Cependant, si l’allaitement doit être effectué sur une longue période, il peut coïncider avec un besoin de la mère de consommer des médicaments. Étant donné que chaque substance que la nourrice ingurgite se retrouve dans le lait, faut-il alors continuer ou arrêter l’allaitement lorsqu’un traitement doit être entamé ? La réponse est ici.

Allaitement maternel et médicaments : Faut-il être prudent ?

Il existe peu de données cliniques qui révèlent la présence d’éventuels effets secondaires chez un enfant allaité suite à la prise d’un ou de plusieurs médicaments par la mère. En raison de cette rareté, la communauté médicale estime que la majorité des produits pharmaceutiques ne possèdent aucune action négative sur le nourrisson durant l’allaitement.

De possibles risques des produits pharmaceutiques durant l’allaitement maternel

Le principe selon lequel les médicaments ne présentent pas de risque avéré pour le nourrisson allaité est entaché d’exception. En effet, il y a de cela quelques années, une étude prospective canadienne a porté sur un total de 838 bébés tous allaités. Chacune des mères des enfants concernés avait pris l’un ou plusieurs de ces médicaments à savoir :

  • Sédatif ;
  • Antihistaminique ;
  • Antibiotique ;
  • Analgésique.

Ces allaitantes avaient en réalité été instruites par un centre d’informations sur les effets secondaires de ces produits. Elles ont alors contacté l’organisme après l’entame du traitement afin de bénéficier d’un éclaircissement leur permettant de mieux distinguer lesdits effets indésirables de certains symptômes que présentaient leurs enfants.

C’est donc par appel téléphonique que s’est faite l’orientation et d’ailleurs tout le suivi relatif à l’étude. Les résultats à la fin des divers questionnaires ont révélé que 11,2 % des enfants présentaient des signes de somnolence, d’irritabilité et de diarrhée.

Bien qu’ils soient apparus, tous ces symptômes ont été qualifiés de mineurs, car aucun d’eux n’a conduit à un arrêt de l’allaitement ou du traitement ou encore à une consultation médicale.

En raison de cette étude et de moins d’une dizaine d’autres, les cliniciens ont conclu qu’il est possible qu’un médicament ait des répercussions sur la santé de l’enfant durant l’allaitement. Même si cela devrait être le cas, ces risques seront très faibles.

Allaitement et médicaments : comment juger de l’incompatibilité ?

Si un médicament possède des effets indésirables chez un bébé durant l’allaitement, cela sous-entend que les principes actifs du produit se sont retrouvés dans le lait maternel. Il faut préciser que ce n’est pas toute la quantité de médicaments que la mère consomme qui passe dans le lait. Ce n’est en réalité que 1 % de celle-ci.

Du moins, c’est ce taux qui a été identifié pour la plupart des médicaments dont les informations cliniques sont disponibles.

Procédé de passage du médicament dans le lait maternel

Pour qu’un médicament consommé par la mère se retrouve dans le lait maternel au point d’atteindre une valeur de 1 %, c’est tout un arsenal de situations qui doivent être réunies. C’est le cas du mécanisme de diffusion passive. Il s’agit du processus par lequel un produit pharmaceutique passe à travers le lait maternel.

Pour que ce procédé entre en action, cela va dépendre du rapport entre les concentrations des compartiments lacté et sanguin (L/P). En réalité, le plasma et le lait sont chez une femme allaitante perçus comme deux différents compartiments.

Chacun de ces derniers possède un taux, mais c’est celui plasmique qui détermine si les principes actifs médicamenteux doivent se retrouver ou non dans le lait. Avec la plupart des traitements, ces deux taux possèdent des valeurs identiques et sont de ce fait en équilibre.

Cela signifie donc que c’est le déséquilibre entre les concentrations de ces compartiments qui favorise le passage du médicament dans le lait maternel. Dans ce cas, il faudrait encore que ce soit le taux plasmique qui soit le plus élevé, en raison de sa grande importance dans ce mécanisme de diffusion.

Les paramètres d’influence du passage du médicament

En dehors de la présence du processus de diffusion active, d’autres éléments gouvernent le passage du produit pharmaceutique du sang de la mère dans son lait. Ils se regroupent en deux grandes catégories.

Les facteurs impactant le taux plasmique maternel du produit

En guise de rappel, pour que le médicament consommé se retrouve dans le lait, il faut que la concentration plasmique de la mère soit élevée. Pour cela, il est essentiel que des facteurs entrent en jeu. Il s’agit de :

  • La biodisponibilité ;
  • Le volume de distribution ;
  • La durée et la dose du médicament ;
  • Le métabolisme rénal et hépatique de l’allaitante.

Pour en dire plus sur les deux premiers éléments, il faut retenir que la biodisponibilité fait allusion à la quantité de médicaments qui se retrouve dans la circulation sanguine en un instant t.

Il s’agit d’une dose qui varie majoritairement en fonction de la voie par laquelle le traitement a été administré. En ce qui concerne le volume de distribution, il fait référence à l’aptitude d’une substance à se répandre au sein de l’organisme.

Lorsque cette capacité se retrouve en hausse, la substance migre du compartiment du plasma pour aller se loger dans les cellules. Dans ce genre de situation, même lorsque la demi-vie du traitement est reconnue comme étant longue (c’est-à-dire que ce dernier tarde à quitter le sang), sa concentration dans le sang de la mère est basse.

Par conséquent, il n’y a qu’une légère quantité du médicament qui va dans le lait maternel. C’est ce qui explique le taux de 1 % de produit pharmaceutique présent dans l’alimentation du bébé.

Les éléments déterminant la présence d’un médicament dans le lait

Pour qu’un produit pharmaceutique se retrouve de façon proprement dite dans le lait maternel, cela va dépendre de quelques facteurs. Ces derniers sont :

  • La capacité d’ionisation du traitement ;
  • La liposolubilité ;
  • La liaison aux protéines plasmatiques ;
  • Le poids moléculaire ;
  • La demi-vie ;
  • La présence de métabolites actifs ;
  • Le moment de la lactation.

À propos du premier critère, il faut dire qu’il varie selon le pH du milieu et le pKa du médicament. Concrètement, plus le degré d’ionisation d’une substance est élevé, moins cette dernière est capable d’évoluer au sein de l’organisme.

Généralement, ce sont les bases faibles qui en raison de leur degré d’ionisation réduit traversent plus facilement les membranes biologiques. Étant donné que les médicaments possèdent également le qualificatif de base faible, ils subissent le même sort et finissent ainsi par se retrouver dans le lait.

En ce qui concerne la liposolubilité, il faut retenir que plus une substance est liposoluble, meilleure est sa capacité à passer dans le lait. Il est à cet effet possible de donner en exemple les médicaments destinés au traitement des affections nerveuses qui possèdent pour la plupart une forte liposolubilité.

Quant au troisième facteur, il traduit le fait qu’il n’est possible d’aller dans le lait maternel que la partie libre du produit.

Les autres critères

Parlant du poids moléculaire (PM), il faut notifier qu’il s’exprime en daltons. Plus il est élevé, plus il est difficile pour le médicament de passer dans le lait maternel. En effet, lorsque cette valeur est à plus de 25 000 daltons, aucun passage n’est possible. Cette diffusion est existante bien qu’elle soit faible lorsque le PM descend à 1000 voire 800 daltons.

À propos de la demi-vie, il faut noter que pour qu’il y ait une moindre possibilité de passage du médicament, elle doit être courte. Ces deux situations évoluent de façon dépendante. Quant à la présence de métabolites actifs, elle traduit le fait qu’il est possible de retrouver des médicaments susceptibles de posséder une demi-vie qui va au-delà de celle de la substance d’origine. De tels produits peuvent ainsi facilement se retrouver dans le lait maternel.

En ce qui concerne à présent le dernier facteur, il faut comprendre que lorsque le mécanisme de la lactation est enclenché, l’épithélium alvéolaire est peu perméable. Il est donc plus aisé pour les médicaments de traverser le sang de la mère pour aller dans son lait.

Quelque temps après la lactation, les connexions intercellulaires sont plus jointives et il est de ce fait plus complexe pour les traitements de passer dans le lait. Ce qui explique leur faible quantité dans ce liquide.

Allaitement et médicaments : différents cas de risques chez l’enfant

Allaitement maternel et médicaments

Il faut que les diverses situations ainsi que tous les critères évoqués plus haut soient réunis pour qu’un médicament se retrouve dans le lait de la mère.

Même lorsque le bébé allaite et que les principes actifs du médicament finissent dans son estomac, il n’est toujours pas encore exposé. Il faudrait en effet que ces derniers atteignent le plasma du nourrisson pour provoquer d’éventuels effets indésirables.

Cependant, pour parvenir à cette fin, il demeure indispensable que le médicament possède une certaine concentration. Celle-ci varie en fonction de :

  • La biodisponibilité orale du médicament chez le nourrisson ;
  • Le taux lacté du produit qui est susceptible de changer au cours du temps ;
  • La quantité de lait consommée par l’enfant.

Tout compte fait, lorsque le médicament réussit à aller dans le sang du bébé, il existe quatre cas de figure d’apparition des symptômes. Les effets indésirables peuvent en réalité être :

  • Immédiats et passagers ;
  • Différents de ceux observés chez la génitrice ;
  • Identiques à ceux de la mère.

Ils peuvent également apparaître que plus tard. C’est par exemple le cas de médicaments qui peuvent impacter la croissance dentaire de l’enfant.

Allaitement et médicaments : recommandations

De nombreuses études ont permis de constater que les mères qui interrompent l’allaitement à cause d’un traitement finissent pour la majorité d’entre elles par arrêter définitivement ce mode d’alimentation.

En raison de ce comportement et surtout à cause des bienfaits du lait maternel, la communauté médicale a décidé qu’un allaitement ne peut être proscrit ou suspendu que si les effets indésirables qu’aura le médicament sur la santé du bébé semblent plus importants que le soulagement qu’il procurera à la mère.

Toutefois, la vigilance est de mise, surtout avec des produits tels que :

  • Les isotopes radioactifs ;
  • L’amiodarone ;
  • Les sels d’or ;
  • Le lithium ;
  • Les anticancéreux ;
  • Le chloramphénicol.

Ils possèdent des concentrations lactées élevées alors qu’ils peuvent être responsables de complications sévères. Ce même geste de précaution doit être observé avec les produits qui diminuent la sécrétion du lait ou provoquent une sédation.

Pour éviter tout danger, la mère se doit de bien lire la notice, notamment la partie relative au cas de l’allaitement. De plus, il revient au médecin de recueillir sur la mère et l’enfant toutes les données nécessaires afin de prescrire un traitement sans risques pour les deux individus.

À ce propos, le clinicien doit prendre le soin de recommander l’usage d’un médicament utilisable par le nourrisson. Il doit également prescrire un traitement exempt de métabolites actifs, doté d’une demi-vie courte, très lié aux protéines plasmatiques et possédant une biodisponibilité orale faible. Sans oublier qu’il doit conseiller une posologie faible pour les prises.

Allaitement et médicaments : les bons gestes à observer

Dans la sphère médicale, il existe certains produits pharmaceutiques qui sont fréquemment prescrits aux femmes allaitantes et qui pourtant ne sont pas sans danger sur l’enfant, à moins de poser les gestes adaptés. C’est le cas par exemple des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

Chez une nourrice, ils doivent être employés que durant une courte période. Mieux, ils doivent être pris aussitôt après la tétée. En effet, avec leur demi-vie courte, cela laisse le temps à leurs principes actifs de quitter le sang de la mère avant la prochaine tétée.

Les antalgiques

Ici, le médecin peut sans crainte prescrire :

  • Le paracétamol ;
  • La codéine ;
  • Le Temgésic ou le Nubain en injection intramoléculaire ;
  • Le Di-antalvic.

Il faut préciser que les deux derniers produits sont destinés pour un usage d’appoint. C’est aussi le cas de l’aspirine. En réalité, ce médicament est reconnu comme étant inoffensif pour le bébé jusqu’à une durée d’une semaine de cure.

Les corticoïdes et antibiotiques

Au niveau des corticoïdes, il faut retenir qu’ils sont normalement contre-indiqués à une femme qui allaite. Si leur dosage journalier est en dessous de 80 mg, il est possible de les prescrire. En ce qui concerne les antibiotiques, ils ne bénéficient pas de contre-indication.

Cependant, il faut garder à l’esprit qu’ils peuvent entraîner un changement au niveau de la flore intestinale et une sensibilisation.

Les psychotropes

Les médicaments de cette catégorie sont à éviter, car ils possèdent des propriétés pharmacocinétiques qui provoquent une hausse de leur concentration lactée. Certains d’entre eux font toutefois l’exception et peuvent de ce fait être utilisés. C’est le cas des :

  • Benzodiazépines qui demeurent toutefois entachées de risques lorsqu’elles sont consommées de façon chronique et répétitive ;
  • Antidépresseurs ;

À cette liste, s’ajoutent les anticoagulants dont les meilleurs choix de médicaments dans le cadre de l’allaitement sont le Tégrétol et la Dépakine.

 

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