Parapharmacie

Efficacité et tolérance des antidépresseurs : le point sur la méta analyse en réseau

Se caractérisant principalement par des troubles de concentration, de sommeil et des pertes d’appétit, la dépression est la maladie mentale la plus grave. Dans le rang des pathologies de type psychiatrique, elle est en effet responsable à un taux de plus de 20 % des décès. Pourtant, il existe diverses solutions pour la soigner. En raison du manque de ressources, ce sont les antidépresseurs qui sont préférés comme option de traitement. La situation est cependant telle que l’efficacité et la tolérance de ces derniers sont énormément remises en question, et ce, depuis des années. Le débat vient d’être tranché et voici ce qu’il en ressort.

Efficacité et tolérance des antidépresseurs : Une nouvelle étude effectuée par de grands chercheurs

Jusqu’à un passé récent et depuis leur apparition dans les années 1950 à 1960, les antidépresseurs étaient considérés comme un traitement manquant de perfection. Ce défaut des molécules concerne particulièrement leur efficacité et leur tolérance.

À propos du premier facteur, il a été constaté qu’avec l’usage des antidépresseurs, la pathologie en cause demande du temps avant d’être véritablement estompée. Il faut en effet une moyenne de 3 mois d’utilisation.

Si cette durée de traitement doit être observée afin de garantir au patient un rétablissement concret, les effets secondaires du médicament commencent par se manifester. C’est la faille qui a été détectée sur la base du second facteur.

Avec de tels éléments en jeu, de nombreux patients limitent leur utilisation des antidépresseurs, réduisant ainsi la probabilité de soulager complètement leur dépression. Pourtant, de nombreuses études sont réalisées sur l’efficacité et la tolérance de ces molécules. Certaines d’entre elles sont restées inachevées ou inconnues.

Celles qui ont abouti manquent de preuves solides alors que ce sont de ces dernières qu’ont besoin les cliniciens pour prescrire le meilleur antidépresseur pour leurs patients. C’est pour mettre fin à cette difficulté qu’une équipe de chercheurs (de diverses universités) dirigée par le Dr Andrea Cipriani a décidé d’effectuer une nouvelle étude.

Efficacité et Tolérance : 21 antidépresseurs comparés

L’étude réalisée par le groupe de cliniciens est en réalité une méta-analyse. Elle est qualifiée de multipletreatments ou dite en réseau. Ses résultats et toutes les données qui s’y rapportent ont été publiés le 21 février 2018 dans The Lancet.

D’après la communauté médicale, cette étude est l’une des plus grandes recherches qui n’aient jamais été faites dans le monde psychiatrique. Le caractère grandiose de cette méta-analyse repose tout simplement sur les éléments pris en compte pour l’effectuer.

En effet, comparativement aux autres méta-analyses, celle-ci inclut un plus grand effectif d’antidépresseurs. Il s’agit en réalité des antidépresseurs les plus vendus de par le monde qui se dénombrent à 21.

Les antidépresseurs étudiés

Les données de l’étude révèlent que parmi les antidépresseurs concernés figurent tous ceux qui sont de la 2ème génération et qui sont reconnus par les organismes réglementaires du Japon, d’Europe et des ÉtatsUnis à savoir :

  • Venlafaxine ;
  • Vortioxétine ;
  • Vilazodone ;
  • Sertraline ;
  • Réboxétine ;
  • Paroxétine ;
  • Mirtazapine ;
  • Milnacipran;
  • Lévomilnacipran ;
  • Fluvoxamine ;
  • Fluoxétine;
  • Escitalopram;
  • Duloxétine;
  • Desvenlafaxine ;
  • Citalopram ;
  • Bupropion ;
  • Agomélatine.

En dehors de ces 17 antidépresseurs, la clomipramine et l’amitriptyline ont également été pris en compte. Ce sont deux tricycliques dont la considération est nécessaire pour faire accepter les résultats de l’étude à l’échelle mondiale.

Deux autres produits ont aussi été examinés compte tenu de leur profil de tolérance et de leurs effets distincts. Il s’agit de la néfazodone et de la trazodone.

Efficacité – Tolérance des Antidépresseurs : Plus de 100 000 sujets étudiés

ANTIDRESSEURS

Si la méta-analyse en réseau du Dr Andrea Cipriani est considérée comme complète, ce n’est pas uniquement en raison du nombre d’antidépresseurs impliqués. C’est également à cause de l’effectif des individus sur lesquels l’étude s’est basée. Il y avait en effet près de 117 000 patients en jeu, pour être plus précis, 116 477 individus.

Ce groupe de sujets comporte aussi bien des personnes de sexe féminin que de sexe masculin. Sur un total de 61 681 patients, 62,3 % d’entre eux, soit 38 404, sont des femmes). Par ailleurs, la moyenne d’âge de tous les sujets considérés est de 44 ans. Il s’agit donc d’individus de plus de 18 ans.

De plus, la plupart d’entre eux sont atteints de trouble dépressif majeur modéré à grave. Le score de gravité de cette affection a été défini grâce à l’échelle d’évaluation de la dépression de Hamilton à 17 items.

21 antidépresseurs : Méthode d’identification de la tolérance et de l’efficacité

Le travail réalisé par le groupe de chercheurs porte sur un total de 522 études effectuées entre 1979 et 2016. Ce sont six paires d’investigateurs qui ont eu le privilège de choisir ces essais. La sélection s’est uniquement portée sur les études en double aveugle, car la méta-analyse en réseau inclut le placebo.

Il s’agit donc de 522 études contrôlées randomisées. Celles-ci comparent des antidépresseurs à un autre antidépresseur actif en monothérapie orale ou à un placebo dans le cadre d’un traitement aigu des adultes. Parmi ces centaines d’essais cliniques, 421 ont été publiés et déclarés éligibles puis proviennent d’une base de données.

Il y a 86 essais qui sont restés inédits puis issus de sites web de sociétés pharmaceutiques et de registres d’essais. Les 15 études restantes ont été obtenues grâce à des recherches manuelles dans des revues d’articles et à des communications personnelles.

Deux principaux critères de jugement

Dans le cadre de l’étude, divers critères ont été pris en compte. Certains sont qualifiés de secondaires et il s’agit du :

  • Taux d’abandon prématuré du traitement en raison de situations indésirables ;
  • Taux de rémission ;
  • Score de dépression au point final.

D’autres critères sont désignés de principaux et sont au nombre de deux. Il s’agit d’une part de l’acceptabilité qui se traduit par l’arrêt de la prise des antidépresseurs. En termes plus simples, il est question du taux de patients qui se sont retirés du projet d’études, et ce, quel que soit le motif.

D’autre part, il y a l’efficacité qui se rapporte au taux de réponse. Concrètement, il est question du nombre de patients qui ont sur la base de l’échelle d’évaluation choisie, obtenu une amélioration de valeur inférieure ou égale à 50 % du score total.

Règles d’analyse des données

Les données du projet ont été analysées du 5 juin 2016 au 18 septembre 2017 alors que l’étude elle-même a débuté le 12 mars 2012 puis a pris fin le 4 juin 2016. Pour effectuer cette analyse, ce sont 29 425 sujets qui ont été choisis au hasard puis assignés au placebo.

Un total de 87 052 patients a également été sélectionné au sort puis attribué à un antidépresseur. Outre cela, il faut retenir que c’est un délai de 8 semaines qui a été choisi pour recueillir et traiter les données. Pour les analyses dont les résultats n’ont pas été disponibles au bout de cette période, c’est un délai compris entre 4 et 12 semaines qui a été préféré.

De plus, ce sont les données les plus complètes et informatives qui ont été privilégiées pour les essais édités plus d’une fois. De même, ce sont les rangs moyens et la surface sous la courbe de classement cumulatif (SUCRA) qui ont été utilisés comme critères pour ordonner les traitements pour chaque résultat et apprécier le niveau d’hétérogénéité.

Par ailleurs, c’est sur la base du cadre GRADE que la certitude des données a été évaluée.

Les autres principes de l’analyse

C’est sur la base du Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions que le risque des études a été apprécié. Les chercheurs ont pris en compte l’ensemble des données disponibles pour juger de l’efficacité de leurs conclusions. Des restrictions ont toutefois été considérées à savoir les études :

  • En tête à tête ;
  • Basées sur des doses acceptées dans tous les groupes ;
  • Multicentriques ;
  • Associées à des données non éditées ;
  • Bénéficiant d’un taux de réponse rapporté.

Sur les 117 000 patients environ, seuls 20 608 ont été choisis pour identifier le taux de réponse. L’analyse principale s’est faite au niveau de 474 études sur les 522 recensées. L’utilisation de médicaments de secours a été accordée dans certains cas.

Outre cela, à l’exception du lévomilnacipran, tous les autres antidépresseurs ont chacun directement été comparés à un autre médicament actif. De même, excepté le milnacipran, tous les autres traitements impliqués dans l’étude ont bénéficié d’au moins une analyse contrôlée par placebo.

Épisode dépressif majeur : Résultats de la méta-analyse en réseau

À la fin des analyses, les résultats ont été publiés sur la base des divers critères de jugement.

L’efficacité

Sur le plan de l’efficacité, les résultats des analyses laissent comprendre que tous les antidépresseurs sont plus efficaces que le placebo. Il existe cependant des antidépresseurs qui possèdent des OR (rapport de cotes) plus élevés que d’autres. Cela signifie que certains de ces traitements semblent plus efficaces que d’autres.

Ainsi, les antidépresseurs considérés comme étant les plus efficaces sont au nombre de 7 et il s’agit notamment de :

  • La vortioxétine ;
  • La venlafaxine ;
  • La paroxétine ;
  • La mirtazapine ;
  • L’escitalopram ;
  • L’amitriptyline ;
  • L’agomélatine.

Si ces produits sont identifiés comme étant les meilleurs dans le rang des antidépresseurs, c’est parce qu’ils possèdent un OR situé entre 1,19 et 1,96. D’autres modèles de traitements ont également été sélectionnés et il s’agit de :

  • La trazodone ;
  • La réboxétine ;
  • La fluvoxamine ;
  • La fluoxétine.

Avec leur OR situé entre 0,521 et 0,84, ces quatre antidépresseurs sont reconnus comme étant les moins efficaces.

La tolérance

En comparaison au placebo, tous les antidépresseurs étudiés possèdent des taux de sevrage plus élevés. Cela signifie qu’ils font moins l’objet d’abandon que le placebo et sont de ce fait plus tolérables que lui. Ici également, certains antidépresseurs sont détectés comme étant mieux acceptés par l’organisme que d’autres.

Les plus tolérables (OR situé entre 0,43 et 0,77) sont donc :

  • La vortioxétine ;
  • La sertraline ;
  • La fluoxétine ;
  • L’escitalopram ;
  • Le citalopram ;
  • L’agomélatine.

Quant aux antidépresseurs les moins tolérables, leur liste est composée de :

  • La venlafaxine ;
  • La trazodone ;
  • La réboxétine ;
  • La fluvoxamine ;
  • La duloxétine ;
  • La clomipramine ;
  • L’amitriptyline.

La tolérance réduite de ces antidépresseurs provient de leur OR situé entre 1,30 et 2,32.

Les autres conclusions essentielles

L’OMS possède une liste modèle de quelques-uns des antidépresseurs étudiés. Ces derniers sont disponibles un peu partout dans le monde y compris dans certains pays en développement. Toutefois, tous les antidépresseurs identifiés comme les plus efficaces sont proposés sous forme de génériques et ne font plus l’objet d’une certification.

Par ailleurs, il faut retenir que les conclusions faites dans le cadre de cette étude ne peuvent être appliquées qu’aux patients adultes. Si le malade est un enfant ou un adolescent, il n’y a que l’usage de la fluoxétine qui puisse véritablement lui garantir un soulagement.

Antidépresseurs : Une efficacité et une tolérance limitées

ANTIDRESSEURS

Lors des analyses, les patients résistants au traitement ou atteints de dépression psychotique ont été exclus. Ce qui signifie que les résultats de cette étude ne pourront être appliqués à ces types d’individus. Outre cela, les chercheurs n’ont pas considéré les paramètres démographiques et cliniques comme :

  • La durée de la dépression ;
  • Le degré de gravité des symptômes ;
  • Le sexe ;
  • L’âge.

Au moment donc de prescrire le traitement à un individu, il est recommandé de prendre en compte ces facteurs. Il est également nécessaire de rappeler que le traitement durant l’analyse s’est effectué durant une courte période (8 semaines).

Par conséquent, au moment de prescrire un traitement à un patient dépressif, le médecin se doit de faire attention aux conséquences du produit, car certains antidépresseurs ont des effets secondaires qui ne surviennent que s’ils sont utilisés sur le long terme.

Malgré ces limites, les résultats de cette étude restent une valeur sure permettant de clarifier les zones d’ombres relatives à l’efficacité et à la tolérance des antidépresseurs.

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