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Morphine : mode d’action, recommandations d’usage chez l’enfant

La morphine est une molécule thérapeutique utilisée en milieu hospitalier pour la prise en charge de diverses affections douloureuses. Elle présente un mode d’action assez singulier et a démontré une grande efficacité ainsi qu’une bonne tolérance. Sur le marché pharmaceutique, on la retrouve dans deux formes de libérations spécifiques présentant des délais d’action variables.

Dans la population infantile où ses indications sont quelque peu restreintes, on l’administre à des posologies fixes. De même, pour la sécurité des enfants, elle s’emploie dans le respect d’un certain nombre de mesures et de précautions.

Morphine : présentation

La morphine est une substance à effet thérapeutique appartenant à la classe des analgésiques. Il s’agit d’un alcaloïde issu de l’opium, qui lui-même provient du latex de diverses espèces de plantes. Par exemple le pavot somnifère (Papaver somniferum), le papaver dubium et le papaver argemone. Dans l’opium brut, en plus de la morphine, on retrouve plusieurs autres alcaloïdes, dont la codéine.

À l’origine, la morphine n’existait pas dans les officines pharmaceutiques. On l’incorporait seulement dans des préparations traditionnelles pour calmer la douleur. Ce n’est que dans les années 1831 qu’on a réussi à la synthétiser pour la première fois sous forme de chlorhydrate de morphine. On va alors commencer à la commercialiser dans les pharmacies. À l’époque, elle se déclinait uniquement dans des comprimés.

Au fil du temps, d’autres formes ont fait leur apparition. Ainsi, on distingue aujourd’hui la morphine sous forme de solution injectable, de solution buvable et de gélules. Indépendamment de la forme considérée, le mode d’action de la morphine reste le même. Elle provoque d’importants effets sur le système digestif, le système nerveux central et la moelle épinière.

Pendant longtemps, l’utilisation de la morphine chez l’enfant a fait l’objet de nombreuses controverses. La raison est que cette molécule présente d’importants effets secondaires et peut avoir des répercussions négatives sur la santé. Après évaluation du rapport-bénéfice/risques, cependant, on a admis qu’on pouvait utiliser la morphine chez l’enfant. Le plus important est que cela se fasse dans le respect de recommandations spécifiques.

Morphine : mode d’action

La morphine présente une activité agoniste sur les récepteurs opioïdes μ. Il s’agit de récepteurs de neurotransmetteurs présents dans le cerveau et modulant diverses fonctions cérébrales. Il y a notamment la réponse au stress, la réponse à la douleur et les mécanismes de contrôle des émotions.

L’activation de ces récepteurs par la morphine va produire un certain nombre d’effets responsables des propriétés antalgiques du médicament. Il y a principalement :

  • La dépression partielle du système nerveux central ;
  • La modulation de la perception de la douleur ;
  • La modification du rétrocontrôle descendant de la moelle épinière ;
  • L’inhibition de la synthèse et de la libération de la noradrénaline ;
  • La modulation des taux sanguins de glutamate.

Il faut noter que la morphine agit sur le comportement psychomoteur. Elle peut selon la dose administrée provoquer une excitation ou une sédation. De même, elle présente des propriétés émétisantes et hormonales. En effet, elle provoque des spasmes digestifs et agit sur le fonctionnement de l’hypophyse et de l’hypothalamus.

Morphine : formes commerciales

Les dérivés commerciaux de la morphine sont nombreux. On les répartit en deux groupes. Ainsi, on distingue les morphines à libération immédiate (LI) et les morphines à libération prolongée (LP).

Morphines à libération immédiate

Les morphines à libération immédiate correspondent à des morphines de délai d’action rapide. Une fois qu’on les a administrées, elles produisent les effets escomptés au bout de 30 à 60 minutes. Elles ont une durée d’action moyenne de 4 heures environ.

Cela implique que quand bien même elles agissent rapidement, leurs effets s’estompent vite. Il est possible de les utiliser aussi bien chez les enfants que chez les adultes. D’ordinaire, on les retrouve sous forme de comprimés, de sirops (solutions buvables) et de gélules.

Les principales morphines à libération immédiate disponibles sur le marché pharmaceutique sont :

  • Le Sevredol®
  • L’Actiskenan®
  • L’Oramorph®
  • L’Aguettant®

Les formes commerciales de morphines à libération immédiate susmentionnées sont les plus polyvalentes. D’autres existent, mais ne sont pas très adaptées à une utilisation infantile.

Sevredol®

Le Sevredol se décline uniquement sous forme de comprimés de 10 mg (couleur bleue) et de 20 mg (couleur rose). Il est commercialisé à l’image de ses analogues sous ordonnance et on le retrouve dans des boîtes contenant en moyenne 14 comprimés. Il est réservé à l’enfant ayant au moins 6 ans et à l’adulte.

Outre la Morphine Sulfate, le Sevredol comprend de nombreux excipients. Il y a principalement l’Amidon de maïs modifié, le Magnésium stéarate, le Povidone K 25 et le Titane dioxyde. Il comprend également des traces de lactose et d’érythrosine laque. D’habitude, il s’administre par voie orale avec un verre d’eau. Il existe un risque d’interactions entre le Sevredol et l’oxybate de sodium.

Actiskenan®

L’Actiskenan est un dérivé morphinique disponible sous forme de gélules ouvrables. Il existe dans diverses doses et on note en fonction d’elles des variations de couleurs. Ainsi, on retrouve sur le marché :

  • Des gélules de 5 mg présentant une coloration bleu clair et transparente ;
  • Des gélules de 10 mg présentant une coloration rouge transparente ;
  • Des gélules de 20 mg présentant une coloration bleu foncé et transparente ;
  • Des gélules de 30 mg présentant une coloration verte transparente.

Indépendamment des doses considérées, les gélules d’Actiskenan contiennent de la morphine, de l’Azorubine et certains excipients. Il y a entre autres : l’Amidon de maïs, la Gélatine, l’Hypromellose et les Microgranules neutres.

À l’instar du Sevredol, l’Actiskenan ne peut s’utiliser que chez l’enfant d’au moins 6 ans et les adultes. On recommande de l’administrer par voie orale et pour le rendre plus agréable au goût pour les enfants on peut le mélanger à certains aliments semi-solides.

Oramorph®

L’Oramorph est un médicament retrouvé sous la forme d’une solution buvable disponible en unidoses de 5 ml et dosée à 10, 20, 30 et 100 mg. Il est vendu uniquement sous ordonnance et s’adresse aux enfants d’au moins 6 ans et aux adultes. Il comprend de la morphine sous forme sulfatée et quelques excipients.

Il s’agit de l’eau purifiée, de l’acide citrique anhydre, de l’acide acétique et du sodium. Chez les adultes et les enfants, l’administration de l’Oramorph se fait par voie orale à l’aide de compte-gouttes. Autant que possible, on recommande d’éviter de prendre ce médicament simultanément que des produits contenant de la nalbuphine. La raison est qu’il existe un risque important d’interactions médicamenteuses.

Aguettant®

Le dérivé morphinique Aguettant issu du laboratoire de nom homonyme se présente sous forme de solutions buvables et injectables. Dans les populations infantiles, les formes buvables sont les plus utilisées. Elles se déclinent dans des doses de 10, 50 et 100 mg et contiennent quelques excipients communs. Il y a entre autres le chlorure de sodium et l’eau pour la préparation médicale.

Il existe un risque important d’interactions entre le « 5 — Fluorouracil » et le médicament Aguettant. De même, on recommande de le prendre en même temps que certaines solutions. Il s’agit des solutions iodées et alcalines telles que l’héparine, le sel de méticilline et le sel de nitrofurantoïne.

Morphines à libération prolongée

Les morphines à libération prolongée à l’opposé des morphines à libération immédiate présentent un long délai d’action. Après administration, il faut compter au moins 2 heures pour observer les effets attendus. Le véritable intérêt de ces formes de morphine est qu’elles présentent une durée d’action pouvant atteindre 12 heures.

Pour ce fait, on les utilise généralement après titration et en relai des morphines à libération immédiate. À l’instar des morphines à libération immédiate, les morphines à libération prolongée existent sous plusieurs formes. Toutefois, celles utilisées le plus couramment chez les enfants se déclinent en comprimés et gélules. Il s’agit du Moscontin® et du Skenan-LP®.

Moscontin®

Le Moscontin est une morphine à libération prolongée se déclinant sous forme de comprimés. Il existe dans des doses de 10 (couleur brune), 30 (couleur violette), 60 (couleur orange), 100 (couleur grise) et 200 mg (couleur verte). Il comprend la morphine sous forme sulfatée et plusieurs excipients communs tels que l’alcool cétostéarylique, l’Hyétellose, le Magnésium stéarate, le Titane dioxyde et le Talc. Dans les comprimés de Moscontin, on retrouve également des traces de lactose.

L’administration du Moscontin se fait exclusivement par voie orale. Chez les enfants de plus de six ans comme les adultes, on recommande d’avaler directement les comprimés. Il ne faut ni les mâcher, ni les casser, ni les croquer. Il existe un risque d’interaction prouvé entre les médicaments contenant du nalméfène et le Moscontin.

Skenan-LP®

Le Skenan-LP est un dérivé de morphine se déclinant sous la forme de gélules à libération prolongée. Dans les officines pharmaceutiques, il existe dans les doses de 10, 30, 60, 100 et 200 mg. De même, on le retrouve suivant les doses considérées dans les couleurs suivantes : jaune, rose, orange et blanche.

Le Skenan-LP s’administre principalement par voie orale et au travers de sondes gastriques. Chez les enfants, il est possible d’ouvrir les gélules et de mélanger leurs contenus avec certains aliments agréables au goût. Par exemple les yaourts, les compotes de fruits et la confiture.

Morphine : indications chez l’enfant

Morphine

Chez l’enfant, les seules indications de la morphine sont les douleurs nociceptives intenses (7/10) et les douleurs nociceptives non suffisamment soulagées par les antalgiques du deuxième niveau. On dit qu’une douleur est nociceptive quand elle dépend des nocicepteurs. Généralement, elles résultent de brûlures et de fractures et peuvent affecter les muscles, les os et la peau.

Il n’existe aucune contre-indication formelle à l’utilisation de la morphine chez l’enfant. Cependant, comme chez l’adulte, il convient de rappeler que les céphalées ne constituent pas chez l’enfant des indications de la morphine. Il en est de même pour les migraines, les douleurs neuropathiques et les douleurs psychogènes.

Morphine : recommandations d’usage chez l’enfant

Voici une tribune qui renseigne sur la posologie usuelle ainsi que les mises en garde et les précautions d’usage de la morphine chez l’enfant.

Morphine : posologie usuelle chez l’enfant

Comme chez l’adulte, la posologie usuelle de la morphine chez l’enfant est strictement individuelle. Elle dépend de l’intensité de la douleur et de la sensibilité du patient. Au départ, le médecin donne une dose fixe de morphine à l’enfant. Par la suite, il lui revient de l’ajuster graduellement jusqu’à l’obtention des effets escomptés.

Dans une médication morphinique chez l’enfant, il n’existe aucune posologie maximale. Le médecin peut alors augmenter les doses autant de fois que possible du moment où il n’apparaît aucun effet indésirable grave. À ce propos, les effets indésirables les plus graves de la morphine comprennent :

  • La confusion ;
  • Les étourdissements ;
  • Les convulsions ;
  • Le ralentissement brusque du rythme cardiaque ;
  • Le ralentissement brusque du rythme respiratoire.

Ces effets secondaires peuvent constituer des motifs d’arrêt d’un traitement à base de morphine chez l’enfant. Les parents ont obligation d’informer le médecin traitant dès qu’ils apparaissent. Autrement, ils exposent l’enfant à de sévères complications.

Morphine : mises en garde et précautions d’usage chez l’enfant

Chez l’enfant comme l’adulte, la morphine présente un certain nombre de mises en garde et précautions d’usage. Ces dernières se rapportent à des conditions spécifiques. Voir les plus importantes ici.

Arrêt de traitement

Utilisée à long terme, la morphine peut entraîner une dépendance. Pour cela, on recommande de ne pas procéder à un arrêt brusque de traitement. Cela peut induire chez l’enfant un syndrome de sevrage dont les principaux symptômes sont les frissons, les vomissements et les écoulements nasaux.

Présence de manifestations respiratoires

Chez l’enfant, la morphine peut causer des troubles respiratoires ou les aggraver s’ils existaient déjà. Pour cela, lorsque durant l’utilisation de la morphine il apparaît chez l’enfant des manifestations respiratoires, on recommande d’informer le médecin traitant. Celui-ci peut décider de réduire la dose de morphine ou d’arrêter le traitement.

Présence de signes d’un dysfonctionnement surrénalien

Chez l’enfant, la morphine peut causer un dysfonctionnement surrénalien entraînant un défaut de sécrétion du cortisol. Il peut alors apparaître des manifestations telles que l’asthénie, le manque d’appétit, la nausée et les vomissements. On recommande aux parents d’informer le médecin traitant dès l’apparition de l’un ou l’autre de ces signes. Il pourra alors comme dans le cas précédent envisager une réduction de doses ou un arrêt de traitement.

 

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