Santé

Peptide natriurétique de type B-BNP : implication dans les pathologies cardiaques

Les avancées médicales dans la compréhension de la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque (IC) ont permis de mettre au point plusieurs traitements. Ces derniers entraînent une amélioration des symptômes et une augmentation du score de survie. Cependant, l’IC reste une maladie en pleine évolution, notamment en ce qui concerne son diagnostic, son pronostic et la stratification des risques. Malgré ces avancées, quelques mécanismes physiopathologiques complexes et actifs passent toujours inaperçus à une certaine période de l’évolution de cette pathologie.

Pour ce faire, de nombreux spécialistes ont proposé l’utilisation de différents marqueurs biochimiques, tels que les concentrations plasmatiques de norépinephrines et de troponines. Cependant, seuls les marqueurs de peptide de type B-BNP ont semblé offrir des lueurs d’espoir dans l’établissement du diagnostic et du pronostic de l’insuffisance cardiaque. C’est la raison pour laquelle nous nous y intéressons. Quelle est alors l’utilité de ces marqueurs biochimiques aussi bien dans l’insuffisance cardiaque que dans les troubles cardiaques associés ?

Peptide natriurétique de type B-BNP : définition

Encore appelé peptide natriurétique cérébral, le BNP (Brain Natriuretic Peptide) est un peptide de 32 acides aminés sécrété principalement par les myocytes ventriculaires en réponse à l’augmentation des pressions de remplissage du ventricule gauche et à l’étirement myocardique.

Découvert en 1988 dans le cerveau d’un porc (d’où son appellation), il fait aussi partie d’un groupe d’hormones qui jouent un rôle important dans le système vasodilatateur. Comme toutes les autres hormones de ce groupe, le BNP a des actions sur le cœur, les reins, les systèmes vasculaires et nerveux.

Dans des conditions normales, la transcription du gène du BNP et la sécrétion de prohormones se font principalement dans les oreillettes. En revanche, dans des conditions pathologiques (pression télédiastolique ventriculaire ou précharge), ces deux mécanismes se produisent dans les myocytes ventriculaires, faisant ainsi des ventricules, la source de production du peptide BNP.

Plus loin, le gène initial, le précurseur PréProBNP (134 acides aminés) subit un clivage et une glycosylation dans le réticulum endoplasmique des myocytes. Il forme ensuite le proBNP comportant 108 acides aminés. Grâce à quelques protéases, ce dernier se voit décomposer en N-terminale inactive (NT-ProBNP) avec 76 acides aminés et en BNP (l’hormone biologiquement active) comprenant 32 acides aminés. Ces deux formes ont la même valeur diagnostique puisque le mélange est équimolaire. En outre, elles sont facilement mesurables par radioimmunodosage.

Peptide natriurétique de type B-BNP : effets physiologiques

Peptide natriurétique de type B-BNP

Le BNP présente plusieurs effets physiologiques. En effet, il intervient dans la régulation de la tension artérielle et de l’expansion volémique. Il permet aussi la réduction des pressions vasculaires pulmonaires ou systémiques ainsi que celles auriculaires et ventriculaires en fin de diastole. En outre, il permet de supprimer efficacement la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et de résorber la tachycardie.

Retenez qu’il joue un rôle dans l’augmentation du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire. De plus, il favorise l’inhibition de la sécrétion de rénine et d’aldostérone. Le BNP a également des effets antifibrotiques au niveau des cardiomyocytes. Ces différentes actions du BNP produisent une natriurèse, une diurèse et une vasodilatation.

Peptide natriurétique de type B — BNP: élimination

L’élimination du BNP se fait suivant au moins trois mécanismes à savoir :

  • l’élimination par fixation sur des récepteurs pour phagocytose ;
  • la digestion par les endopeptidases présentes dans tout l’organisme dans les cellules endothéliales vasculaires. Celle-ci s’observe plus chez les patients qui présentent un rebond d’adiposité et qui ont des cellules endothéliales de grandes surfaces.
  • l’évacuation du BNP actif dans l’urine.

La demi-vie du BNP est de 20 minutes alors que celle du NT-proBNP est de 120 minutes. Le taux circulant de NT-proBNP se révèle six fois plus élevé que celui du BNP actif.

Peptide natriurétique de type B : insuffisance cardiaque

Nous présenterons l’utilité du BNP dans l’évaluation de l’insuffisance cardiaque. Pour ce faire, nous nous baserons sur l’implication de ce peptide dans le diagnostic de la dyspnée, dans le dysfonctionnement du ventricule gauche, dans le pronostic et dans le suivi thérapeutique de l’IC.

Implication du BNP dans le diagnostic de la dyspnée

L’insuffisance cardiaque est une pathologie dont le diagnostic s’avère particulièrement difficile. En effet, les symptômes ne sont pas spécifiques et les observations physiques ne peuvent servir de base au diagnostic. L’échocardiographie, considérée comme la méthode standard pour la détection du dysfonctionnement du ventricule gauche, nécessite des ressources importantes pour sa réalisation. Elle n’est donc pas toujours accessible à tous et ne reflète généralement pas avec précision un état aigu.

Or, lorsque le médecin ne parvient pas à établir au plus vite le diagnostic de l’IC, la vie du patient peut potentiellement être en danger. En effet, un traitement provisoire pourrait être celui adapté pour d’autres affections présentant les mêmes symptômes. Heureusement, aujourd’hui, les marqueurs BNP résolvent en grande partie cette difficulté qui a favorisé autrefois les complications notées chez de nombreux patients.

Dans une étude concernant des personnes qui se sont présentées aux urgences avec un essoufflement, on a prouvé que ces marqueurs de type B-BNP sont utiles pour distinguer les causes cardiaques aiguës des causes non cardiaques de la dyspnée. Cela a été possible grâce à une prise de sang et un examen de laboratoire qui n’ont pas pris plus de 15 minutes. Ainsi, les taux de peptide natriurétique cérébral ont révélé leur efficacité plus que d’autres résultats cliniques, physiques ou de laboratoire, employés pour la détermination des causes possibles de la dyspnée. Le BNP a donc prouvé son efficacité dans le diagnostic de la dyspnée.

Implication du BNP dans le dépistage du dysfonctionnement du ventricule gauche

Après un infarctus aigu du myocarde (IAM), les concentrations plasmatiques de BNP augmentent proportionnellement à la gravité de l’infarctus. Alors, les spécialistes ont suggéré que la détermination du BNP pourrait avoir un rôle dans le diagnostic du dysfonctionnement du ventricule gauche chez les patients qui ont fait un infarctus du myocarde. Cependant, il n’existe pas de données concluantes concernant le dépistage de la dysfonction systolique asymptomatique du VG dans la population.

Dans une autre étude concernant des patients sélectionnés en soins primaires âgés de 25 à 74 ans, une concentration plasmatique de BNP de 17,9 pg/mL avait une sensibilité de 76 % et une spécificité de 87 % pour la dysfonction systolique du VG. Cela se définit par une fraction d’éjection (FE) inférieure ou égale à 30 % à l’échocardiographie.

Dans cette même population où la prévalence de la dysfonction ventriculaire gauche est relativement faible, la valeur prédictive positive n’était que de 16 %, alors que celle négative du seuil était de 97,5 %. En limitant l’analyse aux personnes âgées de plus de 55 ans, la valeur prédictive positive est passée à 32 %. Un seuil de 64 pg/ml donnait une sensibilité de 92 % et une spécificité de 65 % avec une valeur prédictive négative de 99 %, mais une valeur prédictive positive de seulement 18 %

Une autre étude chez des personnes âgées de 70 à 84 ans a montré que celles qui présentaient une dysfonction systolique du VG avaient des concentrations de BNP plus élevées que celles qui ne présentaient pas des signes de dysfonction. D’après ces résultats, on peut conclure qu’une valeur de BNP inférieure à 64 pg/mL exclut un dysfonctionnement systolique du VG.

Ainsi, d’un point de vue pratique, les marqueurs BNP s’avèrent inappropriés pour le dépistage du dysfonctionnement du VG dans les populations asymptomatiques. Néanmoins, leur détermination peut avoir un certain intérêt dans les sous-groupes à haut risque, comme les patients après un infarctus du myocarde.

Aussi, ils peuvent aider au dépistage des patients diabétiques ou de ceux ayant des antécédents chroniques d’hypertension mal contrôlée. Notez toutefois que l’échocardiographie reste probablement la principale méthode d’évaluation de la fonction du ventricule gauche dans cette population.

Implication du BNP dans le pronostic de l’IC

De nombreux experts suggèrent après de nombreuses études que le BNP est un moyen d’identifier les patients atteints d’IC ​​à risque de décès ou d’hospitalisation élevé. Cela permet d’orienter le traitement et de sélectionner les patients candidats à une transplantation cardiaque.

En effet, dans une étude portant sur 78 patients atteints d’IC, le BNP a montré une corrélation significative avec le score de survie (prédiction clinique de survie). De plus, les modifications des taux plasmatiques de BNP étaient significativement liées à celles des limitations de l’activité physique. Ils constituaient ainsi un puissant facteur de prédiction de l’état fonctionnel altéré d’un patient en insuffisance cardiaque.

Par ailleurs, grâce à une autre étude, on a pu associer les taux élevés de BNP à un pronostic plus sombre. Le risque relatif de décès par insuffisance cardiaque à 6 mois chez les patients avec un BNP supérieur à 230 pg/ml était de 24.

De fait, la concentration plasmatique de BNP se révèle plus élevée chez les patients présentant des symptômes graves et chez ceux présentant des séquelles significatives. Le taux élevé de BNP peut permettre de distinguer un dysfonctionnement ventriculaire modéré ou sévère.

Chez les patients atteints d’IC ​​aiguë, le BNP semble être un indicateur de pronostic indépendant de la mortalité cardiovasculaire. Il est également un indicateur de prédiction en ce qui concerne la survie chez les patients hospitalisés souffrant d’une décompensation d’insuffisance cardiaque. Cette étude suggère donc que les concentrations plasmatiques de BNP avant la sortie des patients aident à identifier ceux qui présentent un faible risque de réadmission le mois suivant.

Toutes ces conclusions semblent être, comme nous l’avons évoqué, utiles lors de la sélection des patients pour une transplantation cardiaque. Les méthodes plus traditionnelles de sélection pour la greffe pourraient alors ne plus convenir, surtout à l’ère des bêtabloquants. Par exemple, le pic de VO2 n’a pas la même valeur prédictive chez les patients sous bêtabloquants. Cela semble être vrai aussi bien pour la fraction d’éjection et la noradrénaline.

Pour faire un bref résumé, nous pouvons dire que dans les centres spécialisés, la mesure des taux plasmatiques en BNP peut fournir des informations supplémentaires. Celles-ci sont utiles à l’évaluation clinique dans les situations où une stratification du risque est requise. Il s’agit notamment de la sélection des patients atteints d’IC ​​avancée pour la transplantation ou l’indication des dispositifs cardiaques (défibrillateurs implantables).

Intérêt du peptide natriurétique dans le suivi thérapeutique de l’insuffisance cardiaque

Les concentrations de BNP chutent rapidement après un traitement pharmacologique efficace chez les patients en insuffisance cardiaque. L’étude ayant permis de confirmer cela, a été réalisée sur des sujets en IC sévère. Ceux-ci étaient suivis au départ. Ils ont reçu en trois mois de traitement médical comprenant des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), des bêtabloquants et de la digoxine. L’auteur de cette étude, Maeda, a pu noter des réductions significatives des taux de BNP (de 917 à 285 pg/ml) et de noradrénaline (de 964 à 431 pg/ml).

Par ailleurs, il existe peu de données disponibles pour faire une recommandation concernant la valeur cible de BNP. Cependant, il faut noter que les concentrations élevées de BNP doivent alerter le médecin d’une décompensation. Aussi, une surveillance régulière du niveau du BNP peut également aider à définir un plan plus rationnel pour la sortie du patient ou pour un examen clinique.

BNP: autres troubles cardiaques (syndrome coronarien aigu et embolie pulmonaire aiguë)

Peptide natriurétique de type B-BNP

Le BNP n’a pas seulement montré son efficacité dans l’insuffisance cardiaque. Il permet également l’évaluation des troubles cardiaques suivants :

  • le syndrome coronarien aigu ;
  • l’embolie pulmonaire aiguë.

En effet, des données prometteuses suggèrent que le BNP est le meilleur indicateur de prédiction de la mortalité à 30 jours chez les patients atteints de syndrome coronarien aigu. De même, d’autres études ont montré que les taux de BNP élevés prédisent une mortalité à 4 ans dans cette pathologie. Aussi, grâce à quelques analyses récentes, les spécialistes ont prouvé l’utilité du BNP dans l’évaluation du risque des personnes qui présentent des signes du syndrome coronarien aigu.

Par ailleurs, plusieurs études menées ont montré que le dosage des taux de BNP à l’admission chez des patients souffrant d’embolie pulmonaire et stables sur le plan hémodynamique peut permettre de stratifier les risques élevés d’un mauvais diagnostic. Cela n’est possible que trois mois après leur sortie de l’hôpital.

Utilisation thérapeutique du peptide natriurétique de type B-BNP : Nesiritide

Enfin, on ne peut manquer de mentionner l’utilisation du BNP dans la composition d’un médicament, le nesiritide. Nesiritide est le nom générique du peptide synthétique produit par biotechnologie recombinante et identique au BNP. On peut l’administrer par injection intraveineuse, par perfusion intraveineuse ou par injection sous-cutanée.

Ses mécanismes se basent sur le rôle physiologique de la sécrétion accrue de peptide natriurétique de type B-BNP. Cette augmentation provoque des effets diurétiques, natriurétiques et hypotenseurs. Elle entraîne également l’inhibition du système rénine-angiotensine, la sécrétion d’endothéline et l’activité sympathique systémique.

 

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