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Polyglobulie de Vaquez : clinique, étiologies, diagnostic, traitement

La polyglobulie de Vaquez est un syndrome myéloprolifératif rare. Chaque année, elle fait entre 10 et 15 victimes sur 100 000 personnes et peut survenir à tout âge. Elle provoque d’importantes modifications biologiques et se manifeste par des symptômes multiples et diversifiés.

En milieu clinique, son diagnostic repose sur un examen clinique et des critères diagnostiques spécifiques. Les moyens thérapeutiques utilisés pour sa prise en charge sont multiples. Ils dépendent des étiologies de la maladie et reposent le plus souvent sur une médication.

Polyglobulie de Vaquez : présentation

La polyglobulie de Vaquez est une affection myéloproliférative qu’on désigne aussi par l’appellation « maladie de Vaquez ». Il s’agit d’une polyglobulie primitive caractérisée entre autres par une production excessive de globules rouges dans l’organisme. Elle est la conséquence d’une hyperplasie acquise de la moelle osseuse.

La moelle osseuse correspond aux tissus qui tapissent l’intérieur des os du squelette humain. Elle représente le siège de la formation des cellules du sang, à savoir les globules blancs, les plaquettes et les globules rouges. Lorsqu’elle fait l’objet d’une hyperplasie, elle prend du volume et il se forme des cellules anormales en son sein. On assiste alors à une altération de ses fonctions et une surproduction spontanée des globules rouges.

Dans l’ordre normal des choses, la synthèse des globules rouges dépend de l’érythropoïétine (EPO), un facteur de croissance hormonal. Celui-ci connaît au même titre que les globules rouges, une hausse importante dans les polyglobulies secondaires. À l’opposé, dans la maladie de Vaquez, il ne connaît aucune fluctuation.

La polyglobulie de Vaquez n’est ni contagieuse ni héréditaire. Elle affecte non préférentiellement les hommes et les femmes. Généralement, elle apparaît à partir de 60 ans même si on note quelques rares cas de polyglobulie de Vaquez juvénile. La maladie évolue pendant plusieurs années et peut entraîner sur le long terme de sévères complications conditionnant le pronostic vital.

Polyglobulie de Vaquez : clinique

Le tableau clinique de la polyglobulie de Vaquez est dense et peu spécifique. Au début de la maladie, la plupart des patients présentent une érythrose cutanée. Il s’agit d’une coloration rouge de la peau prédominant sur certaines parties du corps. Notamment, le visage, les paumes des mains, la bouche et les muqueuses.

Par la suite, il apparaît des symptômes évocateurs d’une crise d’érythromélalgie. Le patient ressent une légère sensation de brûlure à l’extrémité des mains et des pieds. Il présente alors une hypersensibilité cutanée et une forte propension aux dermatopathies communes. Un léger contact de l’épiderme avec l’eau chaude suffit pour induire en cas de polyglobulie des démangeaisons graves.

Outre les symptômes susmentionnés, la maladie de Vaquez peut également entraîner des manifestations non spécifiques comme :

  • Les céphalées ;
  • Les maux de tête ;
  • Les vertiges,
  • Les acouphènes ;
  • Les troubles de vision ;
  • Les fourmillements au bout des phalanges.

Ces manifestations découlent généralement d’une irrigation imparfaite des organes en oxygène provoquée par un ralentissement circulatoire. Beaucoup plus rarement, la maladie de Vaquez se manifeste par des troubles cardiovasculaires mineurs.

Polyglobulie de Vaquez : biologie

Dans la polyglobulie de Vaquez, on retrouve sur le plan biologique :

  • Une polyglobulie sévère se traduisant par un taux d’hématocrite > 60 % et une masse globulaire > 50 ml/kg ;
  • Une thrombocytose se traduisant par un taux de plaquettes compris entre 400 et 1000 G/l ;
  • Une myélémie absente sauf en cas de myélofibrose associée ;
  • Une neutrophilie se traduisant par un taux de polynucléaires neutrophiles compris entre 15 000 et 30 000/l ;
  • Un taux normal ou diminué de fer sérique avec augmentation de sa captation par les cellules de la moelle osseuse.

Quelquefois, on peut également noter une hyperleucocytose. Par ailleurs, le myélogramme est inutile et n’apporte souvent que des valeurs indirectes et inconstantes. Pour ce fait, on le réalise rarement.

Polyglobulie de Vaquez : étiologies

La polyglobulie de Vaquez résulte principalement d’une mutation du gène JAK2. Il s’agit d’un gène codant une protéine de nom homonyme et contribuant à l’accomplissement de plusieurs fonctions physiologiques. Voir plus d’informations à son propos dans les rubriques ci-après.

Gène JAK2 : définition

Le gène JAK2 (Janus Kinase 2) est un gène appartenant à la famille des kinases. On l’a découvert dans les années 1989 à la suite d’une procédure de screening par PCR menée par Wilks AF. Dans l’organisme, son activité dépend des récepteurs de la cytokine et de plusieurs facteurs de croissance. On la retrouve avec le JAK1, le JAK3 et le JAK 4, au cœur de plusieurs procédés physiologiques de signalisation intracellulaire.

Gène JAK2 : structure

Le gène JAK2 comprend à l’image de tout gène une séquence spécifique d’ADN (acide désoxyribonucléique). On retrouve dans sa structure des bases de nucléotides organisées par paire. À l’inverse, la protéine JAK2 se compose exclusivement d’acides aminés (1132). Elle pèse 130,7 kDa et on peut y distinguer plusieurs domaines. Il s’agit, essentiellement :

  • Du domaine de fixation aux récepteurs (JH-7 à JH-5) ;
  • Du domaine pseudo-SH2 (JH4-JH3) ;
  • Du domaine pseudokinase (JH-2) ;
  • Du domaine kinase (JH-1) de phosphorylation.

La protéine JAK2 ne contient ni ADN ni base de nucléotides. De même, aucune molécule non protéique n’entre en ligne de compte dans sa structure.

Gène JAK2 : localisation

On retrouve le gène JAK2 sur le chromosome numéro neuf du caryotype humain. En revanche, la protéine JAK2 s’exprime principalement au niveau cytoplasmique. Par conséquent, on la trouve en quantité importante dans les cellules du sang et la moelle osseuse. Parfois, on la retrouve également dans une quantité moindre au niveau des ganglions lymphatiques.

Gène JAK2 : fonctions physiologiques

Le gène JAK2 code la protéine JAK2 qui joue de nombreux rôles physiologiques dans l’organisme. Pour commencer, par activation de la voie du MAP3-Ks, elle assure la prolifération et la maturation des cellules de l’organisme. Ensuite, par les voies des STAT1 et STAT5 puis des PI3-Ks/AKT, elle assure l’inhibition de l’apoptose et la croissance cellulaire. De même, elle augmente la vitesse de migration cellulaire en stimulant les protéines du cytosquelette.

Pour finir, elle intervient à plusieurs niveaux dans les processus de maturation des cellules myéloïdes. Il faut noter, par ailleurs, que la protéine JAK2 contribue également à l’embryogenèse.

Gène JAK2 : mutation

Généralement en cas de mutation, on note une substitution du nucléotide G de l’ADN du gène JAK2 par un nucléotide T.  Les mécanismes précis à l’origine de cet état de choses ne sont pas entièrement élucidés. On sait, toutefois, que ce type de mutation ne présente pas un caractère héréditaire ou familial.

On a également observé que les mutations du gène JAK2 n’étaient pas spécifiques à la maladie de Vaquez. Elles sont présentes dans la quasi-totalité des autres syndromes myéloprolifératifs.

Polyglobulie de Vaquez : facteurs associés

Deux facteurs, en particulier, sont associés à la survenue d’une polyglobulie de Vaquez. Il y a l’âge et le sexe. D’après plusieurs études, la maladie de Vaquez touche moins fréquemment les femmes que les hommes. Ceci serait dû au fait que les hommes ont une forte propension aux mutations génétiques. Les raisons précises qui sous-tendent ces différences entre le sexe féminin et masculin restent, cependant, encore inexpliquées.

À l’image du sexe, des résultats de plusieurs études concordantes ont associé la polyglobulie de Vaquez à l’âge. En effet, on remarque une prédominance des cas de polyglobulies de Vaquez dans les populations d’âge supérieur à 60.

Ici aussi, on n’a pu encore identifier les raisons exactes qui pourraient justifier cet état de choses. On suppose, néanmoins, que les modifications physiologiques entraînées par le vieillissement joueraient un rôle majeur dans le déclenchement des polyglobulies de Vaquez à l’âge adulte.

Polyglobulie de Vaquez : diagnostic

Le diagnostic de la polyglobulie de Vaquez repose sur la vérification de critères diagnostiques spécifiques à partir de différents examens médicaux.

Critères diagnostiques de la polyglobulie de Vaquez

D’après l’OMS, les critères diagnostiques majeurs et mineurs de la polyglobulie de Vaquez comprennent :

  • Un taux d’hémoglobine excédant 16 g/dL chez la femme et 16,5 g/dL chez l’homme ;
  • Un hématocrite excédant 48 % chez la femme et 49 % chez l’homme ;
  • Une hausse de plus de 25 % du volume globulaire par rapport au volume globulaire normal ;
  • Une mutation du gène JAK2 ;
  • Une hypercellularité avec panmyélose et prolifération mégacaryocytaire.

Pour confirmer le diagnostic de la maladie de Vaquez, il faut impérativement vérifier au moins trois de ces critères diagnostiques.

Examens médicaux

Pour vérifier les critères diagnostiques de la maladie de Vaquez, on peut réaliser plusieurs examens. Il y a principalement :

  • L’examen clinique ;
  • L’hémogramme ;
  • La biopsie médullaire.

En dehors de ces examens, il se peut que le médecin réalise d’autres examens complémentaires. Il peut par exemple faire un dosage de la vitamine B12.

Examen clinique

L’examen clinique repose sur une observation directe du patient. Il est généralement conduit par un professionnel de santé qui recherche les symptômes cliniques évocateurs de la maladie de Vaquez. D’ordinaire, il s’étend sur une trentaine de minutes et fait suite à un interrogatoire.

Le but de l’interrogatoire est de faire l’anamnèse de la maladie. En temps normal, l’examen clinique est indolore et ne nécessite aucun prélèvement sanguin. Il donne des orientations plus spécifiques pour le reste de la procédure diagnostique.

Hémogramme

L’hémogramme qu’on appelle également numération formule sanguine permet de mesurer les composants du sang. Il permet entre autres de préciser :

  • le taux de globules rouges dans le sang ;
  • le taux de plaquettes dans le sang ;
  • le taux de globules blancs dans le sang ;
  • le taux d’hémoglobine ;
  • l’hématocrite.

En général, on le réalise à partir d’un échantillon de 5 ml de sang veineux. Ainsi, il requiert qu’en amont, on fasse un prélèvement sanguin sur le patient. C’est généralement une équipe composée de professionnels d’infirmerie et d’analyses biomédicales qui se charge de faire un hémogramme.

Biopsie médullaire

La biopsie médullaire est un examen complexe. Elle permet d’évaluer le fonctionnement général de la moelle osseuse et d’apprécier son état général. À l’opposé des autres examens, elle se fait durant un acte chirurgical et requiert l’intervention d’un chirurgien. Elle repose sur le prélèvement et l’analyse de tissus hématopoïétiques.

En général, pour la pratiquer, on met le patient sous une anesthésie locale. Ensuite, à l’aide de procédés de carottage et de ponctionnement spécifiques, on retire de l’os médullaire quelques tissus. Pour finir, on applique de la paraffine sur les tissus prélevés qu’on détaille en lamelles pour faciliter les analyses. D’habitude, c’est dans un laboratoire d’anatomopathologie que se déroule l’analyse des tissus hématopoïétiques.

Polyglobulie de Vaquez : traitement

La saignée constitue le traitement de première intention de la polyglobulie de Vaquez. Elle repose sur le prélèvement par ponction veineuse d’une quantité spécifique de sang. On la réalise dans le but de réduire le nombre de globules rouges présents dans le sang du patient.

Outre la saignée, on administre également un traitement à long terme au patient. Celui-ci repose généralement sur une médication par voie orale. Les principaux médicaments utilisés sont :

  • L’hydroxycarbamide qui agit en bloquant l’activité du gène JAK2. Il constitue un traitement efficace pour les personnes très âgées ;
  • Le pipobroman qui agit également en bloquant l’activité du gène JAK2. On l’utilise généralement en cas d’intolérance ou de résistance à l’hydroxycarbamide ;
  • Le ruxolitinib qui agit en bloquant l’activité de la protéine JAK2 elle-même. On l’utilise en cas d’intolérance ou de résistance à l’hydroxycarbamide et le pipobroman.

Dans la polyglobulie de Vaquez, le traitement médicamenteux accompagne le patient à vie. En d’autres termes, aussi longtemps que le patient vivra, il devra le prendre pour éviter de s’exposer à de sévères complications.

Par ailleurs, il faut noter que pour réduire le risque thrombotique, en plus du traitement au long court, le patient peut prendre un autre médicament. L’aspirine, par exemple. Pour finir, il est impératif que le patient se fasse suivre par un spécialiste au moins une fois par année.

Polyglobulie de Vaquez : évolution

La polyglobulie de Vaquez évolue de différentes manières. On note généralement une normalisation hématologique et clinique au bout de 3 mois de traitements. De même, le pronostic vital du patient n’est pas affecté et il peut vivre pendant encore 20 années. Il présente ainsi une espérance de vie semblable à celle des personnes ayant l’âge où on rencontre communément la maladie.

Dans certains cas extrêmes, la maladie de Vaquez peut évoluer, cependant, vers une splénomégalie myéloïde avec myélofibrose. Elle peut également entraîner une leucémie aiguë myéloïde et d’autres complications graves. Par exemple, les thromboses veineuses, un syndrome d’hyperviscosité, une hyperuricémie et les troubles de l’hémostase primaire.

 

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