Yersinia Pestis : Épidémiologie, Physiopathologie, Diagnostic, Traitement
La Yersinia pestis a été responsable des plus trois pandémies de peste qu’a connues le monde. Depuis 1945 où les derniers cas de la maladie ont été recensés en Europe, tout portait à croire que celle-ci avait entièrement disparu. Il s’avère cependant que la situation en est toute autre. En effet, des foyers épidémiques ont en 2019 été recensés en République Démocratique du Congo, en Chine et à Madagascar. Avec les cas qui continuent d’être régulièrement signalés, il est normal de craindre une nouvelle pandémie. Pour ne pas se laisser emporter par cette dernière, il urge d’en apprendre plus sur la Yersinia pestis afin de savoir la conduite à tenir.
Yersinia pestis : Une bactérie du genre Yersinia à l’origine de la peste
La Yersinia pestis a été découverte en 1894 par Kitasato Shibasaburō. En hommage à Louis Pasteur, ce bactériologiste japonais a baptisé la bactérie Pasteurella pestis. Ce nom a été plus tard modifié.
La dénomination que possède actuellement le germe lui a été attribuée en honneur à Alexandre Yersin, un autre bactériologiste, mais franco-suisse qui l’a également découvert au cours de la même période.
Lorsqu’elle fut étudiée, la Yersinia pestis a été identifiée comme appartenant aux Enterobacteriaceæ ; une famille bactérienne qui comprend dix-sept espèces dont trois sont du genre Yersinia et susceptibles de provoquer des infections chez l’homme. Il s’agit notamment de la :
- Yersinia pseudotuberculosis ;
- Yersinia enterocolitica ;
- Yersinia pestis.
Si les deux premières bactéries sont toutes deux responsables de la yersiniose, la Yersinia pestis est quant à elle à la base de la peste. Il s’agit d’une maladie également connue sous le nom de mort noire dont la provenance demeure encore un mystère. Elle cause dans 30 à 60 % des cas un décès lorsqu’elle n’est pas rapidement prise en charge.
Les caractères biologiques de la bactérie
La Yersinia pestis possède une morphologie qui permet de la distinguer des autres bactéries du même genre. En effet, cet agent pathogène de la peste dispose de :
- Une taille de 1 à 3 μm de long et 0,5 à 0,8 μm de large ;
- Un aspect arrondi et une forme en coque (un coccobacille court) ;
- Une structure encapsulée, non flagellée et à Gram négatif ;
- Un caractère immobile.
Lorsqu’il se retrouve dans un frottis de pus, le bacille de Yersin se colore aussi de manière nette en bipolaire. En ce qui concerne sa culture, il faut retenir que celle-ci est généralement lente. Quand elle est cependant effectuée dans un environnement standard à température comprise entre 28 et 35 °C, le germe semble se développer plus rapidement.
La Yersinia pestis supporte aussi bien le milieu anaérobie qu’aérobie. Quelle que soit la nature du milieu où elle est cultivée, la Yersinia pestis nécessite 48 h d’incubation pour produire des colonies. Une fois celles-ci apparues, elles possèdent un aspect :
- Fin ;
- Translucide ;
- Mate.
Outre cela, les colonies peuvent prendre une texture blanchâtre avec une rougeur au centre ou un dépôt floconneux et un aspect limpide avec un voile. L’apparence réelle des nouvelles bactéries dépendra toutefois du milieu de culture.
Yersinia pestis : Un germe toujours d’actualité en Asie, Amérique et Afrique
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la peste n’a jamais totalement disparu. Elle continue de sévir dans certaines contrées du monde. Il y a juste eu quelques années de silence ; raison pour laquelle l’organisme a qualifié la maladie de ré-émergente. En effet, il semblerait que plus de 50 000 cas ont été enregistrés entre 1990 et 2015.
À ce jour, le nombre de personnes infectées n’a pas régressé. Trois continents sont concernés par ces nouvelles contaminations à savoir :
- L’Afrique ;
- L’Asie ;
- L’Amérique.
Concrètement, les pays de ces régions où la peste représente toujours un mal à craindre sont :
- La République Démocratique du Congo ;
- L’Ouganda ;
- Le Pérou ;
- La Chine ;
- Madagascar.
C’est d’ailleurs dans ce dernier État qu’il existe plus de flambées d’infections. Chaque année, entre 250 et 500 cas sont en moyenne signalés.
Yersinia pestis : Une bactérie transmise par les puces et rongeurs
La peste est une maladie propre aux rongeurs comme les :
- Rats ;
- Souris ;
- Mérions ;
- Gerbilles ;
- Écureuils ;
- Marmottes.
L’agent qui se charge de propager l’infection au sein de cette race animale est la puce, et ce grâce à sa piqûre. C’est ce même vecteur qui transmet la maladie à l’homme ; un hôte qui ne peut se retrouver porteur du bacille de Yersin que de façon accidentelle.
Il faut préciser que ce n’est pas le même type de puce qui intervient dans le processus de contamination de la pathologie. Le cycle de transmission de la Yersinia pestis fait en réalité impliquer près de 80 espèces de puces. Chacune de ces dernières possède un hôte spécifique.
Chez l’humain par exemple, c’est le Pulex irritans qui constitue la puce concernée. Du côté du rat, c’est l’espèce de puce Xenopsylla cheopis qui propage l’agent pathogène.
Plusieurs modes de transmissions impliqués chez l’homme
Chez les animaux, la contamination par piqûre de puce constitue la principale voie de transmission de la Yersinia pestis. Il en est de même chez l’homme. D’ailleurs, lorsque c’est ce mode d’infection qui semble impliqué, la peste est qualifiée de bubonique. Il faut notifier que dans le rang des humains, la pathologie peut être contractée par d’autres moyens.
Ainsi, la contamination peut intervenir suite à :
- La consommation de viande crue d’animaux infectés ou d’eau contaminée ;
- Un contact avec les liquides corporels d’un individu infecté (en cas de soins, d’assistance ou de domicile partagé) ;
- La manipulation d’un animal infecté ;
- Une inhalation de gouttelettes infectées (lors d’éternuements ou de toux).
Dans ce dernier cas, on parle de transmission interhumaine directe. Lorsque l’infection s’est faite par cette voie, la peste est désignée de pulmonaire. Il s’agit d’un mode de contamination rare.
Yersinia pestis : Une physiopathologie variable selon la forme de la maladie
Lorsque le vecteur principal est impliqué dans la contamination de la Yersinia pestis, celle-ci s’effectue en deux grandes phases. Tout commence par une première piqûre d’un quelconque hôte infecté. Au cours de ce processus, le bacille de Yersin pénètre l’organisme de la puce pour se retrouver spécifiquement dans son tube digestif.
Une fois au sein de ce système, l’agent pathogène va se multiplier au point de bloquer le passage entre l’estomac et l’œsophage de l’insecte. Ce qui affame le vecteur et contraint ce dernier à vouloir se nourrir. Dans cet objectif, la puce va alors procéder à une nouvelle piqûre d’un hôte (qui peut être sain).
Il aspire alors le sang de ce dernier, mais malheureusement, le liquide ne réussira pas à migrer vers l’estomac de l’insecte à cause du bouchon de bactéries qui obstrue le passage. Ce sang ne pouvant être alors ingurgité, la puce va le renvoyer dans le creux fait dans la peau de son hôte, entraînant ainsi sa contamination.
Une fois que cette dernière est effective, le bacille va se loger dans le ganglion lymphatique le plus proche afin de provoquer ce que l’on appelle le bubon. Cependant, il faut 2 à 8 jours pour que le syndrome infectieux soit entièrement développé.
Si dans un délai de 3 à 5 jours après que la pathologie soit survenue, aucune démarche de traitement n’est mise en œuvre, des complications comme une septicémie apparaissent. Ce sont elles qui provoquent la mort du sujet.
Physiopathologie en cas de peste pulmonaire et septicémique
La peste septicémique constitue une forme évoluée de la peste bubonique. Dans certains cas, le passage par la peste bubonique n’est pas nécessaire avant que celle dite septicémique ne se manifeste. Cela survient notamment lorsque suite à la piqûre par la puce, la Yersinia pestis se retrouve directement dans un capillaire sanguin.
Lorsque ce type de peste survient, il peut affecter une diversité d’organes. Si dans un délai de 4 jours suite à l’infection, un traitement n’est pas administré à l’individu, une mort certaine s’en suit. C’est cette même fin qui est réservée à l’humain dans le cas de la peste pulmonaire.
Ici, le temps de développement de la pathologie suite à l’infection est de 1 à 6 jours. Quant au délai dont dispose le patient pour recevoir un traitement, il est de 48 h.
Yersinia pestis : Processus diagnostique de l’agent pathogène de la peste
Pour diagnostiquer la peste, le médecin peut partir des signes cliniques que présente le patient. Ceux-ci ne seront cependant pas identiques selon que ce dernier soit atteint de la forme septicémique, pulmonaire ou bubonique de la maladie. Ainsi, dans le cas de la peste bubonique, les symptômes sont :
- Les frissons ;
- La fièvre ;
- Les douleurs dans les ganglions infectés ;
- Un malaise général ;
- Les céphalées.
Au niveau de la peste pulmonaire, les signes cliniques sont les mêmes que ceux qui viennent d’être énoncés. A cela s’ajoutent :
- Un malaise pulmonaire ;
- Une hémoptysie ;
- Une hypoxie ;
- Des expectorations ;
- Une toux.
Ces divers symptômes apparaissent généralement en phase évoluée de la maladie. Quand la peste est septicémique, les signes de reconnaissance sont :
- Une nécrose cellulaire ;
- Une hémorragie (du parenchyme, de la peau ou des membranes séreuses) ;
- Une thrombose artérielle ;
- Une acrocyanose.
Tous ces symptômes constituent des conséquences de la coagulation intravasculaire disséminée et du choc endotoxique mortel que provoque la maladie.
Un diagnostic bactériologique axé sur des prélèvements
Pour identifier avec certitude la Yersinia pestis, un examen de laboratoire est indispensable. Celui-ci repose sur le prélèvement de :
- Hémocultures pour la peste septicémique ;
- Crachats dans le cas de la peste pulmonaire ;
- Pus de bubon pour la peste bubonique.
Au niveau de ces prélèvements, il faut rechercher l’antigène F1 qui est un allène spécifique à la Yersinia pestis. Cette molécule peut être détectée par :
- La méthode ELISA ;
- TDR ;
- Spectrométrie de masse ;
- PCR ;
- Hémagglutination passive.
Une coloration de Gram suivie d’une observation au microscope de frottis peut être par ailleurs effectuée pour identifier l’agent pathogène. Le même objectif peut être atteint en faisant une culture de la Yersinia pestis.
Yersinia pestis : Méthode de prise en charge thérapeutique
Dès que la contamination à la Yersinia pestis est confirmée, il faut dans un délai de 24 h procéder à la déclaration de la maladie à la cellule de surveillance des maladies infectieuses. Des mesures de sécurité seront suite à cette action mises sur pied pour la sécurité du patient et de son entourage. Celles-ci reposent entre autres sur :
- L’isolement du malade ou des personnes de son entourage suspectes d’être contaminées ;
- La dératisation et la désinsectisation ;
- L’administration d’un traitement prophylactique à l’entourage du malade.
Dans les zones endémiques, des vaccins ont l’habitude d’être administrés. Cette démarche a fini par être abandonnée, car la durée d’action des produits va de 3 à 6 mois.
Un traitement reposant essentiellement sur les antibiotiques actifs
Le traitement de la Yersinia pestis consiste à administrer aux patients des antibiotiques, en particulier de la doxycycline et des fluoroquinolones. En cas de signes de gravité de la pathologie, des aminosides peuvent être associés à ces produits. Toutefois, trois molécules sont généralement impliquées dans la prise en charge thérapeutique de la peste. Il s’agit de la :
- Ciprofloxacine ;
- Gentamicine ;
- L’ofloxacine.
Par voie intraveineuse, la dose journalière recommandée pour chacun de ces médicaments est respectivement de 3 mg par kg ; 400 mg et 400 mg. Par voie orale, le dosage du premier produit est de 1 g et celui du second de 400 mg.
Pour le traitement, il est conseillé de débuter les prises par voie intraveineuse avant de continuer avec celles orales. Pour optimiser le taux de guérison, il faut que l’administration des médicaments se fasse de manière précoce.