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Les sectes et dérives sectaires : critères, lois et mesures

Depuis plusieurs années, les sectes ont toujours fait l’objet de nombreuses polémiques en Europe et principalement en France. Aujourd’hui, loin de disparaître, ce problème est toujours d’actualité, malgré les différentes mesures prises par les autorités françaises. Dotées d’un arsenal juridique sans pareil, elles sont résolument engagées dans ce combat face à l’ampleur de ces groupes et associations, et surtout de leurs dérives. Que sont les sectes ? Comment les reconnaître ? Quelles sont les différentes mesures antisectes prises par le gouvernement français ? Quelles sont les recommandations ?

Sectes et dérives sectaires : définition

Afin de mieux comprendre ce que sont les sectes, il serait utile de présenter l’origine du terme « secte ». Ce dernier est issu du latin « sequi » et de « secare » qui veulent dire suivre, se séparer de ou couper.

Ainsi, une secte peut être définie comme un groupe de personnes qui se séparent ou coupent les liens avec un groupe auquel elles ont appartenu. D’un autre côté, elles peuvent avoir suivi un nouveau leader dans le but de former un nouveau regroupement.

Par ailleurs, les sectes peuvent être définies comme des communautés qui suivent une certaine doctrine aussi bien politique, religieuse que philosophique. Outre ces définitions, voici celles qu’ont proposées certains auteurs et personnages célèbres.

Définition de Troeltsch

Troeltsch est un célèbre écrivain philosophe d’origine allemande. Il définit les sectes comme des groupes qui se créent le plus souvent hors de l’Église. Ces regroupements naissent dans la plupart des cas de la contestation d’une pratique. C’est la raison pour laquelle les sectes les plus populaires sont celles qui se sont formées après des réformes. Celles-ci ont été évidemment mises en œuvre au sein d’une Église.

Définition de Max Weber

Max Weber a été l’un des économistes et sociologues les plus réputés. En réalité, selon lui, les sectes sont des groupes formés sur la base d’une association libre des différents membres. Par conséquent, ces derniers établissent d’un commun accord les différentes règles qui régissent leur fonctionnement.

Autrement dit, ces associations sont autonomes et ne dépendent d’aucune autorité. C’est cela qui les distingue des organisations religieuses, car celles-ci en revanche sont suivies de près.

Définition d’Abgrall

C’est un ancien acteur de la sécurité publique devenu célèbre pour avoir joué un rôle clé dans une affaire criminelle impliquant un tueur en série. Abgrall suggère que les sectes représentent des groupes de personnes qui se réunissent autour d’un même intérêt. En général, il s’agit d’une idéologie qu’elles partagent toutes.

Aussi, toutes leurs actions se font dans le secret loin des regards de gens indiscrets. Ces sectes ne sont généralement pas dangereuses. Toutefois, elles peuvent le devenir lorsqu’elles essaient de manipuler leurs adhérents.

Définition de Bryan Ronald Wilson

Selon le sociologue et écrivain Bryan Ronald Wilson, les sectes sont des groupes de personnes et s’opposent aux groupes religieux. Les membres qui aspirent à ces associations ont l’obligation d’apporter leur contribution active, sans laquelle ils ne seront pas acceptés.

Autres définitions

Les sectes peuvent également définies comme des associations ou groupes totalitaires qui suppriment les libertés des personnes. Ce sont aussi des organisations nuisibles dont les différentes activités, souvent illégales portent atteinte à l’équilibre de la société, aux membres ou à la dignité de l’homme.

Définition de dérives sectaires

Les dérives sectaires étant la principale cible des autorités, on peut les définir comme tout acte de dévouement à la cause des groupes sectaires. Ces actions peuvent troubler l’ordre public ou porter atteinte aux droits des personnes, à leur sécurité et même aux règlements et lois.

On peut notamment citer des techniques et pressions dont le but est d’exploiter, de créer ou de générer un certain état chez les victimes. Celles-ci sont alors assujetties et privées de leur liberté. Cela a évidemment des impacts négatifs sur leur relation avec les autres.

Sectes et dérives sectaires : critères

Les sectes ainsi que leurs dérives sont aujourd’hui reconnaissables sur la base de certains critères à savoir :

  • Exigences financières élevées,
  • Atteintes à l’intégrité,
  • Déstabilisation ou déséquilibre mental,
  • Tenues de discours antisociaux,
  • Troubles à la sécurité et l’ordre publics,
  • Détournements de fonds,
  • Intérêt pour les confrontations judiciaires,
  • Infiltration dans les différents pouvoirs publics.
  • Rupture progressive avec l’environnement dont on avait l’habitude.

Ces critères ont été mis en œuvre par les différentes associations et enquêtes dirigées contre ces groupes sectaires. Par ailleurs, de façon plus spécifique, les dérives des sectes ont des répercussions aussi bien sur :

  • Les personnes,
  • Le plan démocratique et social,
  • Le plan financier et économique.

Sur les personnes

Il est toujours possible d’observer un changement de comportement chez toute personne appartenant à une secte. En réalité, il s’agit de la conséquence directe de l’influence de cette dernière. Il est donc question de dérive sectaire.

Par exemple, les membres de ces groupes adoptent un langage propre à ces sectes. On observe également un changement dans leurs habitudes vestimentaires et alimentaires. Les personnes membres d’une secte peuvent également refuser de recevoir des soins médicaux ou les arrêter en fonction des recommandations ou des idées reçues dans leur groupe.

Par ailleurs, il est très fréquent de constater qu’elles coupent les ponts avec leur famille, leur environnement professionnel ou social. Elles sont désormais très dévouées à leur nouvelle association et s’y engagent exclusivement.

De plus, les dérives sectaires provoquent une dévotion et une soumission totale aux leaders, appelés péjorativement « gourous ». Les membres d’une secte perdent également leur esprit critique, conséquence directe des conceptions reçues de cette organisation. Souvent, les enfants y sont recrutés.

Sur le plan démocratique et social

Les personnes appartenant à un groupe sectaire ont généralement tendance à tenir des discours antisociaux ou antidémocratiques. Ils critiquent parfois les institutions publiques et sont les principaux acteurs dans les cas de troubles publics.

Elles perturbent également le fonctionnement des services de l’État en s’introduisant dans les hôpitaux, par exemple. De nombreuses tentatives d’infiltration d’organisations publiques dans le but de les déstabiliser ont été constatées.

Ces personnes font souvent l’objet de sanctions pénales, parfois à la suite de détournements de biens ou d’extorsions de fonds. Il faut dire que leurs actions sont beaucoup plus dirigées vers les services publics.

Sur le plan économique et financier

En général, les adeptes de sectes participent activement à des séminaires, des réunions et des cours dans le pays et même à l’étranger. Ils ne rechignent pas non plus à payer des sommes d’argent exorbitantes dans ces groupes. Cela conduit parfois certains d’entre eux à s’endetter. Il n’est pas rare que les victimes fassent des legs et des dons à des personnes étroitement impliquées dans leur organisation.

En outre, il convient d’être prudent avec tout groupe dont l’adhésion dépend de l’achat ou de la vente de biens ou de services. Les escroqueries ou la publicité mensongère des divers avantages d’un service ou d’un produit sont également courantes dans ces associations.

Un seul indice ne suffit pas généralement à affirmer l’existence d’une dérive sectaire, et tous les critères ne se valent pas. Néanmoins, la déstabilisation ou le déséquilibre psychique est toujours observable.

Loin de pointer du doigt les victimes, ces critères vont leur permettre ainsi qu’à leur entourage de percevoir les signaux d’alerte. Ils aident également les autorités publiques à prendre des mesures en cas de dérives sectaires.

Sectes et dérives sectaires : dispositions antisectes

Les sectes et dérives sectaires

La France étant un pays dans lequel la liberté de croyance et celle d’association sont de mise. Afin de ne pas porter atteinte ou restreindre celles-ci, les autorités françaises ne souhaitent pas définir ce que c’est qu’une secte. Toutefois, elles prennent depuis les années 90 des dispositions de luttes contre les dérives des organisations sectaires.

Les associations

Les premières associations de lutte contre les sectes sont établies en 1970 et regroupaient les parents de certains enfants. Ces derniers avaient alors des comportements ou habitudes inquiétantes. Quelle était leur façon de procéder ? En effet, ces diverses associations antisectes étaient engagées dans la diffusion d’informations à l’intention du public.

Les populations sont désormais averties en ce qui concerne les techniques utilisées par les mouvements sectaires. Aussi, les regroupements de parents mécontents avaient pour but de susciter un renforcement des dispositions des autorités publiques. On assiste alors à l’introduction dans le droit de l’expression sujétion psychologique. Parfois, ces associations peuvent se servir du code de procédure pénale en son article 2-17.

Les dispositifs

Dans les années 1980, l’Assemblée nationale décide de constituer des commissions d’enquête. Celles-ci ont alors pour but de recenser les différentes organisations et mouvements sectaires. Tout cela a permis aux autorités de se faire une idée sur la situation de ce phénomène. À l’issue de ces enquêtes, les commissions ont dressé 4 principaux rapports à savoir :

  • En 1983 : tableau de la situation des mouvements sectaires,
  • En 1995 : tableau mentionnant le nombre de membres de mouvements sectaires en France (160 000),
  • En 1999 : situation économique, financière et fiscale des mouvements sectaires,
  • En 2006 : rapport sur la problématique concernant les enfants embrigadés dans les sectes.

Progressivement, les institutions publiques ont pris conscience de l’ampleur et surtout du danger que constituent ces sectes.

Par ailleurs, ces diverses commissions d’enquête ont également proposé les critères caractéristiques des sectes, mentionnés plus haut.

La MILS

La Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) a vu le jour en 1998 et avait pour mission l’observation et la lutte contre les sectes. Toutefois, en 2002, cet organisme devient « Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires » (MIVILUVES). Il a rassemblé une grande partie des membres des commissions d’enquête sur les sectes.

Les lois

Les sectes ne sont donc pas interdites en France. Néanmoins, les dérives sont passibles de sanctions, établies par les lois suivantes.

L’article 313-4 du Code pénal

Il stipule « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 2 500 000 F d’amende ».

Par ailleurs, le code propose d’autres infractions qui peuvent associées aux sectes. On peut mentionner les fraudes, l’exercice illégal ou clandestin d’un travail.

L’article 31 de la loi du 9 décembre 1905

Il renseigne sur les diverses sanctions pour manipulation psychique pour des motifs religieux. On peut par exemple citer les actions suivantes :

  • Menaces ou violences sur une victime,
  • Pression et craintes : perte d’emploi, atteinte à un membre de sa famille, d’elle-même ou de son patrimoine,
  • Exigence à appartenir à un culte ou une association.
  • Apport de contributions à un culte.

Toutes ces actions sont exécutées par la force.

La loi n° 98-1165 de décembre 1998

Elle suggère d’insérer un article dans le Code pénal. Celui-ci condamne la déscolarisation d’un enfant et la proposition de classes et la dispense d’enseignement non conforme à l’objet des instructions.

Sectes et dérives sectaires : recommandations

Le gouvernement français à travers la MIVILUDES appelle à la vigilance de la population et de tous les acteurs du privé, du public et ceux des juridictions. Par exemple, en présence d’un cas de dérive, il faut impérativement suivre les recommandations suivantes :

  • Saisir ou contacter la MIVILUDES : c’est la première autorité en charge des questions sur les dérives sectaires.
  • Contacter les aides telles que l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victime de sectes (UNADFI) ou le Centre contre les Manipulations mentales (CCMM). On peut toutefois joindre le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes).
  • Interroger un service de l’État ou confier ses craintes au Conseil de l’Ordre professionnel.
  • Demander de l’aide afin d’apporter son plus dans la prévention de la radicalisation.

En outre, on recommande d’être toujours attentif aux signaux d’alerte des dérives sectaires.

 

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