Le harcèlement moral a toujours existé en milieu de travail. Ce n’est pas une pratique nouvelle, mais sa dénomination est toute récente. Désigné aussi sous le terme de psychoterreur ou « mobbing », il peut prendre des formes diverses :
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refus de toute communication
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absence de consignes ou consignes contradictoires
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privation de travail ou surcroît de travail
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tâches dépourvues de sens ou missions au-dessus des compétences
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« mise au placard », conditions de travail dégradantes
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critiques incessantes, sarcasmes répétés
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brimades, humiliations
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propos calomnieux, insultes, menaces.
Une absence de soutien ou de reconnaissance, de la part de la hiérarchie ou des collègues, est un des facteurs aggravants des effets du harcèlement moral au travail.
Différentes études montrent que ces pratiques se sont intensifiées ces dernières années. La situation de l’emploi empêche la victime de fuir la situation en allant travailler ailleurs. La faiblesse des structures de défenses collectives et les pressions à la productivité concourent à exacerber le problème. Les conséquences pour les salariés qui en sont victimes sont des troubles psychosomatiques, des dépressions pouvant aller jusqu’au suicide.
Cette page vous présente une synthèse de l’information disponible sur le sujet.
- Peut-on définir le harcèlement ?
- Qui sont les victimes ?
- Qui harcèle ?
- Circonstances
- Effets sur la santé
- Conséquences pour l’entreprise
- Cadre juridique
- Quelques chiffres
- Prévention
- Pour en savoir plus en quelques clics…
- Autres références bibliographiques
Le harcèlement moral peut se manifester sous différentes formes. Citons notamment :
Pris isolément, ces agissements hostiles peuvent sembler anodins. Mais leur répétition au quotidien peut affecter gravement la personne et avoir des répercussions importantes sur sa santé, physique et psychologique. On peut le considérer comme une forme de violence interne à l’entreprise. Mais tous les comportements agressifs, tous les conflits, toutes les pressions ne relèvent pas du harcèlement. |
Il n’y a pas de profil type du harcelé. Contrairement à une opinion répandue, les victimes ne sont pas forcément des personnes fragiles. Selon Marie-France Hirigoyen, « les harcelés sont généralement des « grandes gueules » ou pour le moins des fortes personnalités… La victime, c’est en fait bien souvent celui qui résiste, notamment à ses collègues… mais aussi à son supérieur hiérarchique, ou encore à la pression de ses subordonnés. » Homme ou femme, jeune embauché, cadre nouvellement promu ou ancien approchant de la retraite, personne n’est à l’abri d’un harcèlement dans son entreprise. |
Le harcèlement moral au travail se pratique :
Il arrive également qu’un collectif de travail, qu’un groupe à l’intérieur de l’entreprise, isole un collègue et en fasse son « bouc émissaire ». |
Le harcèlement moral peut être la conséquence d’une situation conflictuelle qui s’est dégradée ou une stratégie délibérée pour se débarrasser d’une personne. Il importe de replacer le harcèlement moral au travail dans son contexte. Si le harcèlement est possible dans l’entreprise, c’est aussi parce que celle-ci n’a pas su se structurer de telle sorte que celui-ci n’apparaisse pas. Le harceleur est en effet souvent bien intégré dans l’entreprise, où il trouve des justifications à son action. La dégradation des relations de travail qu’il entretient s’appuie souvent sur des dysfonctionnements ou des problèmes d’ordre organisationnel. L’absence de contrepouvoir et de médiateur dans l’entreprise joue également un rôle.
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Le harcèlement peut provoquer dans un premier temps des symptômes de stress : nervosité, irritabilité, anxiété, troubles du sommeil, brûlures d’estomac, hypertension artérielle, douleurs musculaires, etc. Au bout de quelques mois, ces symptômes peuvent se transformer en troubles psychiques manifestes. Certains réagissent avec une hyper-combativité qui les fait souvent qualifier de paranoïaques. D’autres sont envahis par un sentiment d’épuisement et de fatigue chronique, une baisse de l’estime de soi, pouvant évoluer vers la dépression. Les états dépressifs peuvent entraîner :
Leurs conséquences possibles sont une atteinte de la personnalité, la dégradation de la santé, l’invalidité, la perte de l’emploi, le suicide. D’après Christophe Dejours, dans sa préface à son ouvrage « Travail, usure mentale », « si le harcèlement conduit aujourd’hui plus souvent que naguère à des troubles psychopathologiques graves chez les victimes, ce n’est vraisemblablement pas parce que la technique du harcèlement se serait perfectionnée (…). Ce qui a changé, semble-t-il, c’est plutôt la passivité et l’absence de solidarité de la part des collègues de la victime du harcèlement, et la profonde transformation du sens de la justice dans le monde du travail. » La conséquence du harcèlement moral ou psychologique est avant tout une pathologie de la solitude, de l’isolement, qui renforce la souffrance. |
Un salarié harcelé, stressé, ayant perdu toute confiance en lui, aura des difficultés à prendre des initiatives ou des décisions. La qualité de son travail s’en ressentira. Même s’il met toute son énergie à résister à la pression, à « tenir », un jour ou l’autre, il devra s’arrêter de travailler pour se soigner. Et l’absentéisme et la détérioration du climat de travail ont des conséquences négatives pour l’entreprise. Dans son ouvrage sur le mobbing, Heinz Leymann évoque le cas suivant : un constructeur automobile suédois « a publié un rapport sur le coût de l’absentéisme dans l’une de ses usines en perte de production et en baisse de niveau de qualité. Le rapport rappelait, en insistant sur ce point, que la principale cause d’absentéisme devait être cherchée dans les défaillances psychosociales sur le lieu de travail et, entre autres, dans les conflits latents ou déclarés. » Les coûts directs et indirects d’un mauvais climat de travail peuvent être énormes, non seulement pour l’entreprise, mais également pour toute la société. Il faut, en effet, tenir compte de la prise en charge des victimes de harcèlement par les organismes de Sécurité sociale. |
Le harcèlement moral n’est pas, à ce jour, précisément défini ou sanctionné en tant que tel par le Code du travail. Il pourrait cependant faire son entrée dans ce code très prochainement, avec la loi de modernisation sociale actuellement en discussion au Parlement. Cette proposition de loi, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 12 janvier 2001, prévoit notamment l’introduction de nouveaux articles (L. 122–49 à L.122–51) dans le Code du travail ; seraient visés les agissements répétés, de harcèlement moral, de toute personne abusant de son autorité pour porter atteinte à la dignité ou créer des conditions de travail humiliantes ou dégradantes. Pour l’heure, en l’absence de texte, la répression du harcèlement moral a pu se fonder sur les dispositions du Code pénal, visant le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine (article 225–14 du Code pénal). A noter enfin qu’une décision récente d’un tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) a retenu qu’une tentative de suicide consécutive à un harcèlement moral au travail devait être considérée comme un accident du travail. Cette décision accorde ainsi au harcèlement moral une véritable reconnaissance jurisprudentielle (TASS des Vosges, 28 février 2000). Rappelons que, selon l’article L. 411–1 du Code de la Sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». |
Les quelques données statistiques dont on dispose sont peu nombreuses et ne concernent que des cas graves. Les seuls chiffres pouvant servir à évaluer l’importance du harcèlement moral au travail sont ceux issus de la 3e Enquête européenne sur les conditions de travail, conduite en 2000 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail.
Parmi les secteurs d’activités concernés, l’administration vient en premier (14 %), suivie de l’hôtellerie-restauration et des commerces et services (13 % chacun). La Finlande, le Royaume-Uni, la Hollande, la Suède, et la Belgique présentent les pourcentages les plus élevés. La France se situe parmi l’ensemble des autres pays à pourcentage inférieur : de l’ordre de 5 % des personnes interrogées déclarent avoir été l’objet d’une intimidation ou d’un harcèlement moral dans leur milieu professionnel en France. Aucune étude d’ensemble n’a été faite à ce jour en France sur le harcèlement moral. L’enquête Conditions de travail 1991 et 1998 (MES / DARES – Ministère de l’Emploi et de la Solidarité / Direction de l’animation, de la recherche, des études statistiques) peut donner des indications sur les situations de tension ou les facteurs de stress en milieu professionnel en France. Mais, comme nous le précisions, tous les comportements agressifs, tous les conflits, toutes les pressions ne relèvent pas du harcèlement. Ces derniers chiffres sont donc à manier avec précaution.
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Aujourd’hui en France, si la reconnaissance du harcèlement moral au niveau individuel apparaît déjà difficile, le passage de la réparation à la prévention l’est encore davantage. En effet, à ce jour, les données publiées relèvent essentiellement d’argumentations juridiques afin que le salarié victime de telles pratiques obtienne réparation des dommages ou préjudices subis. Seules des situations entraînant des dysfonctionnements majeurs donnent lieu à des interventions ou à des tentatives de prévention de situations futures. Mais pour les victimes, les conséquences peuvent être déjà dramatiques. La priorité doit être donnée à une démarche préventive. La proposition de loi relative au harcèlement moral au travail (datée du 14 décembre 1999 et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 12 janvier 2001) va d’ailleurs dans ce sens, en voulant définir et condamner de telles pratiques. Les causes profondes des phénomènes d’exclusion et de harcèlement sur le lieu de travail semblent être (toujours selon Heinz Leymann) : La prévention du harcèlement devra donc comporter une réflexion et un travail sur ces deux points. Il s’agira pour l’entreprise d’informer le personnel et de veiller à ce que l’encadrement soit en capacité de gérer les conflits pouvant survenir dans les équipes et, notamment, déceler très tôt les prémisses de harcèlement. Pour maîtriser de telles situations, la mise en place de structures de concertations au niveau collectif a une grande importance. Elles peuvent se composer du directeur des ressources humaines (s’il existe), d’un ou plusieurs responsables de services, du médecin du travail, d’un consultant spécialisé en psychologie au travail, du chargé de sécurité (s’il existe), d’un membre du CHSCT (ou d’un délégué du personnel en l’absence de CHSCT), etc. |
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D’après le livret d’accompagnement de l’audiovisuel INRS Les onze conspirateurs (VS610)