Service de Pharmacologie de la Faculté de Médecine de Toulouse.
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1. Nouveauté ne veut pas dire progrès thérapeutique !
1.1. Exemple des hypolipidémiants :
La commercialisation de la 6ème statine rosuvastatine Crestor° n¹a rien apporté pour les malades ou leurs médecins. Ce médicament a été uniquement étudié sur des critères intermédiaires (le cholestérol, un critère biologique, sans pertinence clinique) et non sur des critères cliniques de morbi-mortalité (les seuls importants). La simvastatine et la pravastatine restent les seuls médicaments à prescrire dans cette classe pharmacologique (car les seuls évalués sur le critère dur de mortalité).
Les effets indésirables de la rosuvastatine correspondent à la survenue de protéïnurie avec risque d¹insuffisance rénale. Ses effets musculaires graves (risque de rhabdomyolyse) sont décrits dans le chapitre « pharmacovigilance ».
L¹ézétimibe Ezetrol° est un inhibiteur de l¹absorption intestinale du cholestérol. A la différence de la cholestyramine Questran°, il n¹inhibe pas l¹absorption des vitamines liposolubles E. C¹est pourquoi, il semble déterminer moins de flatulence et de constipation. Ses effets indésirables musculaires et hépatiques s¹avèrent cependant à surveiller.
Comme la rosuvastatine, l¹ézétimibe n¹a été évaluée, en association aux statines, que sur le cholestérol plasmatique (à l¹exclusion de tout effet clinique). Il faut attendre de connaître ses effets sur la morbi-mortalité avant de prescrire cet hypolipidémiant.
1.2. L¹aprépitant Emend°
Ce médicament est indiqué dans les vomissements aigus et retardés post-chimiothérapies contenant du cisplatine. Le fait qu¹il présente, au sein des antiémétiques, un mécanisme d¹action nouveau [antagonisme des récepteurs de la neurokinine 1 (substance P)] ne signifie pas obligatoirement un apport pratique supplémentaire.
En effet, si ce médicament, en association avec les corticoïdes et les sétrons, prévient mieux les vomissements que la simple bithérapie (de l¹ordre de 5 à 10 %), il s¹avère très difficile à manier en raison de ses interactions avec les inhibiteurs ou inducteurs enzymatiques. Pour la majorité des patients, son risque s¹avère donc supérieur à son bénéfice.
1.3. Fausses nouveautés : non progrès thérapeutique.
L¹année a été riche en commercialisation de multiples « me-too » :
- vardédafil Lévitra ° (3ème inhibiteur de la phosphodiestérase dans la dysfonction érectile),
- almotriptan Almogran ° (5ème triptan pour la crise migraineuse),
- éthinyl-oestradiol + norelgestromine Evra ° (contraceptif transdermique non étudié sur le risque thrombotique à terme),
- bimatoprost Lumigan ° (3ème analogue des prostaglandines antiglaucomateux),
- pramipexole Sifrol ° (6ème agoniste dopaminergique antiparkinsonien),
- nébivolol Nébilox ° (xième bêta-bloquant antihypertenseur),
- les associations antidiabétiques rosiglitazone + metformine Avandamet° et glibenclamide + metformine Glucovance °,
- parécoxib Dynastat ° (premier coxib injectable commercialisé dans le « traitement des douleurs post-opératoires » non comparé avec la référence kétoprofène, faisant courir le même risque que les autres AINS injectables et 10 fois plus cher que la référence kétoprofène).
Dans ces « non-nouveautés », on peut citer encore : olopatidine Opatonol° et kétotifène Zadinen° (xièmes collyres antihistaminiques H1 indiqués dans les conjonctivites), acéclofénac Cartrex°, xième AINS, me too du diclofénac), olmésartan Fornet°, Alteis° (xième sartan antihypertenseur), oseltamivir Tamiflu° (antiviral, indiqué seulement dans la prophylaxie post-contact chez les sujets à risque), testostérone en gel Androgel° dans l¹hypogonadisme, oestradiol + nemegestrol Naemis° et oestradiol + deninogest Climodiem° (oestroprogestatif mal évalué pour les symptômes de la ménopause), dutestéride Avodart° (inhibiteur de la 5 alpha-réductase pour l¹hypertrophie bénigne de la prostate, analogue du finostéride Chibroproscar°).
On retrouve encore deux antidépresseurs, me too de produits déjà existants, le mésylate de paroxétine Divarius° (identique au Déroxat°) et l¹escitalopram Seroprex°, isomère du citalopram (Séropram°).
2. Médicaments insuffisamment évalués. A éviter pour le moment.
Le tacrolimus Protopic ° est un macrolide immunosuppresseur commercialisé par voie dermique pour la dermatite atopique chez l¹enfant de plus de 2 ans après échec des corticoïdes. On peut regretter que ce libellé d¹AMM n¹ait pas été étudié dans les essais cliniques !
En première ligne, il n¹est pas plus efficacequ¹un dermocorticoïde fort (hydrocortisone) et fait courir le risque d¹interactions médicamenteuses avec inhibiteurs du cytochrome 3A4 par passage transcutané.
Surtout, le risque à long terme de cancer cutané (ou de lymphome) est inconnu. Il en est de même de son analogue, pimécrolimus Elidel °.
Tériparatide Forsteo ° : cet analogue de la parathormone est indiqué dans « l¹ostéoporose post-ménopausique avérée ».
Son efficacité est supérieure à celle de l¹alendrodate Fosamax° sur la densité minérale osseuse (DMO) rachidienne (n¹oublions pas que la DMO reste en pharmacologie un critère intermédiaire non corrélé avec l¹effet clinique des médicaments).
Ses risques d¹effets indésirables correspondent à la de survenue d¹hyperparathyroïdie. Un certain nombre d¹essais cliniques ont été arrêtés en raison d¹un risque carcinogène chez l¹animal. Il s¹avère plus difficile à manier que l¹alendronate, car il doit être maintenu au froid et administré par voie sous-cutanée.
Dans l¹ostéoporose post-ménopausique avérée, l¹alendronate (en association avec le calcium et la vitamine D), mieux évalué, reste la référence.
3. Améliorations en terme de praticité
- Budésonil + formotérol : Symbicort ° : 2 prises par jour par rapport à 2 prises des 2 composants.
- Lévodopa + entacapone Stalevo ° : moins de prise chez les parkinsoniens malgré une équivalence des doses difficile à établir.
- Calcipotriol + bétaméthasone Daivobet ° : pommade antipsoriasique plus facile à utiliser, déterminant moins d¹effets indésirables que la référence.
- Fentanyl transmuqueux Actiq ° : forme galénique originale (sucette !) commercialisée dans les accès douloureux aigus chez les patients cancéreux.
En conclusion, l¹année 2004 a apporté peu de réelle innovation pour les malades. Face à tout nouveau médicament, rappelons-nous que nouvelle AMM ne signifie pas forcément progrès thérapeutique. Celui-ci reste rarissime.
Résumé de la Conférence du 21 octobre 2004 au Forum Médical de la Faculté de Médecine de Rangueil.